Page:Le Tour du monde - 14.djvu/172

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J’examinai en dessous les sentiers des animaux ; ils n’avaient que quatre-vingts à quatre-vingt-dix centimètres de hauteur ; il fallait presque ramper pour s’engager dans ces trouées, au risque encore de s’y trouver face à face avec de dangereux ennemis ; et là, ployé sur moi-même, empêtré dans ces étroits tunnels, comment me défendre au besoin ? Mais était-il plus avantageux de reculer ? Cela n’était pas probable ; je continuai donc d’avancer. Force me fut de marcher à la façon des habitués du lieu, c’est-à-dire à quatre pattes ; certainement ma position n’avait rien de gai et tristes étaient mes réflexions en frôlant de mon dos la voûte des sentiers. Cette façon de marcher me fatigua bientôt ; je m’arrêtai pour reprendre haleine, résolu aussi à me débarrasser d’une partie de mon faible bagage. Parmi les oiseaux que j’avais tués, deux pintades et quelques tourterelles que je destinais à notre souper furent laissées pour les passants, mes successeurs. Je repris ma route ; c’était toujours la même multitude de trouées tortueuses recouvertes par les herbes et les joncs dont l’épaisseur ne laissait poindre qu’un demi-jour insuffisant pour reconnaître de quel côté était le soleil afin de me diriger. Mes étapes étaient de plus en plus rapprochées et je commençais à éprouver une extrême lassitude.

Moyen de protéger les moissons. — Dessin de Karl Girardet.

Pendant un de mes repos, je résolus encore de me défaire de quelques oiseaux auxquels je tenais, mais que j’espérais pouvoir remplacer plus tard. M’étant mis de côté dans le massif, j’écartai un peu la voûte des herbes pour faciliter l’arrivée de la lumière, et malgré ma situation critique, je me mis à inventorier ces oiseaux parmi lesquels étaient un merle grièche au ventre et à la gorge ponceau ; deux guêpiers, à la tête et la gorge bleu vert, au ventre rose, avec deux longues plumes à la queue ; deux perruches vertes ; un kalao tock, oiseau moucheté, brun et blanc, la première couleur dominant sur le dos, l’autre sous le ventre.

Tandis que je prenais ces notes dans ma cachette, j’entendis venir des animaux de mon côté ; ils étaient nombreux, car leur trot de plus en plus distinct était multiplié. De ma retraite je ne pus les voir ; pourtant, au bruit de leurs pas, qui ne semblait pas être celui de griffes ou de pattes sur le sol, mais bien celui de petits sabots, je pensai que ce devaient être des antilopes, ce qui me tranquillisa.

Un peu plus loin je crus distinguer, à travers d’autres bruissements, un murmure de l’eau ou plutôt un clapotement comme si elle était agitée par quelques animaux aquatiques ; seulement ce bruit ne venait pas du côté où je me dirigeais. Aussitôt je tournai mes pas autant que possible vers le point qu’il m’indiquait, et, après une nouvelle course assez longue en raison de