Page:Le Tour du monde - 14.djvu/180

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lement plus épaisse a arrêtés. Les plantes ont envahi ces monticules, dont les parties constitutives offrent un commencement d’agrégation, ainsi que je pus le remarquer dans leurs coupures. J’avais déjà observé un effet analogue au-dessus d’Abou-Hamed, à la sortie du grand désert ; mais là les parties constitutives de ces monticules étaient plus sablonneuses, et par conséquent l’agrégation plus difficile.

Le matin du second jour de marche, au moment où nous nous mettions en route, je vis le guide indigène hésiter sur le point où il devait nous faire pénétrer dans la forêt ; il réfléchissait probablement au choix du sentier qu’il fallait prendre pour rencontrer le moins de difficultés avec notre genre de caravane ; il pouvait aussi calculer la route qui nous ferait passer moins à portée des huttes de ses compatriotes. Quoi qu’il en soit, le colonel Yousouf, voyant cette hésitation, interpella le guide, qui parut lui répondre d’une manière un peu embarrassée. Incontinent le colonel lui fit impérieusement signe de s’étendre à terre ; mais le guide parut plus embarrassé encore devant cet ordre que devant son chemin ; aussitôt, sur un nouveau signe de Yousouf, deux soldats précipitèrent l’infortuné guide à genoux, puis le nez contre terre, et le colonel turc, le pied sur la nuque, lui appuya la figure contre terre, et, tandis qu’il le maintenait ainsi dans la position d’un homme prosterné, lui fit administrer, d’un seul signe, une volée de coups de bâton sans désemparer. Lorsque l’infortuné sentit le pied du colonel abandonner sa nuque, il se releva, et marcha étourdiment dans l’une des directions qui l’avaient fait hésiter. Était-ce la meilleure ?

Scène d’esclavage : Le colonel turc. — Dessin de Karl Girardet.

On ne saurait imaginer les ennuis d’un voyage à dos de chameau au sein de ces forêts épineuses. En dépit de toutes les précautions possibles, on n’en sort que les vêtements en lambeaux et la peau sillonnée d’égratignures. Cependant le chemin que nous suivions était la grande voie de communication entre les provinces de Fa-Zoglo et le Sennâr, celle qui desservait les établissements aurifères de la Nigritie, etc. Néanmoins cette voie magistrale n’est qu’un sentier tortueux se détournant de chaque arbre, de chaque buisson ; jamais la main de l’homme n’a donné un coup de serpe ou un coup de pioche pour rendre ce chemin plus viable. Les caravanes et les expéditions militaires du gouvernement perdent chaque semaine plus de temps qu’il n’en faudrait une fois pour toutes afin de rendre praticables les passages les plus difficiles. Fréquemment on rencontre des torrents à sec profondément ravinés, et dont les rives, presque à pic, opposent de très-grandes difficultés au passage des chameaux. Il faut chercher les échancrures, les endroits où la végétation