Le grand intérêt qu’offre cette question nous a fait considérer, pendant notre voyage, comme un devoir essentiel de noter une série d’observations sur la limite des neiges éternelles. Aussi pouvons-nous offrir des moyennes d’une exactitude satisfaisante pour les trois grandes chaînes ; dans l’Himalaya, versant du sud, cette limite se trouve généralement à une hauteur moyenne de 16 200 pieds ; sur le versant nord, son altitude moyenne est de 17 400 pieds.
Dans le Karakoroum, les neiges les plus basses se tiennent sur le versant du midi, à 19 400 pieds, sur celui du nord, regardant les plateaux du Turkestan, à 18 600.
Dans le Kouen-Loun, les dernières neiges descendent, au sud, à 15 800 pieds, au nord, où elles font face aux plaines du Turkestan chinois, à 15 100 pieds.
Ces différents chiffres sont les moyennes des trois chaînes prises dans toute leur longueur ; mais, en somme, je ferai observer que, dans chacune des chaînes, la partie centrale est celle où la ligue des neiges atteint sa plus grande altitude, tandis qu’elle s’abaisse sensiblement aux deux extrémités, tant à l’est qu’à l’ouest. Il est inutile d’ajouter que cette même ligne remonte à de grandes hauteurs sur les pics à pentes roides, où la neige ne trouve que difficilement des points d’appui. Ainsi on trouve, dans le Thibet, des sommités dénudées et vierges de toute particule neigeuse, même à des altitudes de 20 000 pieds.
En comparant maintenant les montagnes de la Haute-Asie avec les grandes chaînes du reste de la terre, nous voyons que les mesures de Humboldt et de Pentland établissent les chiffres suivants pour la ligne des neiges éternelles dans la Cordillère des Andes ; 15 700 pieds pour les Andes de Quito, 15 900 pour les Andes de la Bolivie orientale, 18 000[illisible] pour celles de la Bolivie occidentale. Dans les Alpes, on peut voir cette même ligne descendre à 9 800 pieds aux massifs du Mont-Blanc et du Mont-Rose.
Comme contraste à l’extrême hauteur de la limite des neiges éternelles, on a vu neiger dans l’Himalaya à la minime altitude de 800 mètres, mais c’est là un fait rare qu’on n’a sûrement constaté que deux fois, en 1817 et en 1847. À 5 000 pieds, il n’y a guère, sur dix années, une année sans neiges, mais la neige ne reste que quelques jours, quelquefois même fond au bout de quelques heures. « Il neige, mais on ne le voit pas, » disent très-bien les habitants de Kathmandou, la capitale du Népaul (1 354 pieds d’altitude) ; la neige tombée pendant la nuit en flocons isolés y disparaît aux premiers rayons du soleil.
La hauteur moyenne du Thibet, du Karakoroum et du Kouen-Loun est telle qu’on n’y trouve aucun point situé plus bas que la ligne de chute annuelle des neiges, mais la quantité de celles qui tombent dans ces trois régions est si minime que les cols mêmes s’y peuvent franchir en hiver, et l’hiver est souvent la seule saison où l’humidité de l’air soit assez grande pour se transformer en pluies ou en neiges.