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ne pourrait les séparer de leur cher ami. Parfaitement vaincus par une scène de ce genre, nous nous y dérobâmes en nous reprochant comme un crime d’avoir osé penser à priver ces pauvres femmes isolées d’une des créatures, en petit nombre, sur lesquelles elles pouvaient répandre le trésor de leur affection féminine.

Néanmoins, comme nous étions sur le point de partir, l’homme vint nous trouver. Il menait en laisse Rover et nous pria de le prendre avec nous, car il avait fini par persuader les femmes de consentir à son départ. Nous hésitions ; mais il fit tant d’instances que nous mîmes nos scrupules de côté et que nous lui comptâmes la somme offerte. L’homme fit alors au chien ses adieux comme à un de ses amis les plus chers, et nous supplia, à plusieurs reprises, d’être bons pour ce petit être.

Une quinzaine plus tard, ces braves gens furent, ainsi que presque tous les blancs de ce côté du Minnesota, horriblement assassinés par une invasion de Sioux[1].


La Rivière Rouge. — Georgetown. — Voyage en canot. — Chasse. — Une tempête-ruban. — L’ozone. — Les yeux d’or. — Le fort Garry.

Nous partîmes par la diligence. À mesure que nous avancions vers l’ouest, les prairies devenaient plus vastes, les bois élevés moins fréquents, et les habitations humaines plus rares. Les côtés de la route regorgeaient de poulets de prairies et de canards. Le conducteur, quand l’occasion s’en présentait, avait l’obligeance de nous mettre à portée d’abattre quelque gibier.

Campement de nuit au bord de la rivière Rouge. — Dessin de Émile Bayard d’après MM. Milton et Cheadle.

Le troisième jour, nous arrivions à la Rivière Rouge. La nuit se passa dans le fort Abercrombie, et le lendemain 13 juillet nous entrions à Georgetown. Ici s’arrêtait la dilligence. Quant au bateau à vapeur que nous avions l’intention de prendre pour nous rendre au fort Garry, on ne l’attendait pas avant quelques jours.

Le petit établissement de Georgetown est couvert au nord et à l’ouest par la ceinture des grands arbres qui revêtent les bords de la rivière ; du côté de l’est et du sud, la prairie n’a d’autres limites que l’horizon. C’est un comptoir fondé par la Compagnie de la baie d’Hudson, autour duquel se sont fixés quelques colons égarés.

Nous apprîmes que, par suite du peu de profondeur de l’eau, il était impossible de savoir quand le bateau arriverait, si jamais il parvenait à Georgetown ; nous résolûmes donc de nous rendre au fort Garry en canots. Il y a plus de cinq cents milles à faire sur la rivière, et

  1. Le territoire des Sioux ou Dacotas est au nord de celui des Ponkas, à l’ouest de Missouri. On trouve des Sioux aussi le long de la Saskatchaouane du sud. (Trad.)