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REVUE GÉOGRAPHIQUE,


1866


(DEUXIÈME SEMESTRE),


PAR M. VIVIEN DE SAINT-MARTIN.


TEXTE INÉDIT.




Un mot sur la situation générale des grandes explorations géographiques. L’interêt ramené vers l’Asie. — État des choses en Afrique. Le docteur Livingstone. — M. Le Saint et les sources du Nil. Expédition prochaine. — Gherard Rohlf chez les Tibboû du Bilmâ. Empêchements et retards. — MM. Mage et Quintin ; leur retour du Kouara supérieur et du haut Sénégal. L’état politique du Soudan occidental, depuis le Sénégal jusqu’à Timbouktou. — La Cochinchine française. Coup d’œil sur l’état de la géographie de l’Indo-Chine. — Pourquoi ce nom d’Indo-Chine. Quels voyageurs l’ont visitée depuis M. Mouhot. Le Dr Bastian et sa relation. — Expédition française pour l’étude du Kambodj et l’exploration du Mé-khong. Le présent et l’avenir. — Coup d’œil surlta Chine et sur le Japon. Les livres et les travaux hydrographiques. M. Poussielgue. M. Irisson. M. de Courcy. — M. Humbert. M. de Montblanc. — Les problèmes scientifiques. — Les Russes sur la mer du Japon et dans l’Asie centrale. L’Amoùr. Le Turkestan et la Boukharie. Progrès rapides de la Carte d’Asie. — Arabie. M. Palgrave et son traducteur. — Amérique. La Commission scientifique du Mexique et les études américaines. Ce que l’on a fait, ce que l’on aurait pu faire, ce que l’on fera. — Un monument bibliographique. Retour sur l’époque de Colomb et le grand siècle des découvertes. Ce que l’on peut mettre dans les pages d’une bibliographie. — Sur les expéditions à la recherche des voyageurs perdus. Le voyage à la recherche de Leichhardt, dans l’intérieur de l’Australie. — La nouvelle géographie de l’Europe. Le génie de l’homme prouvé par la guerre. Deux petites citations.


I

Nous n’aurons à nous entretenir, aujourd’hui encore, ni de ces grandes entreprises, ni de ces découvertes retentissantes qui tiennent en éveil l’attention de l’Europe ; mais, pour ne pas avoir été occupée par les premiers sujets, la scène géographique n’a manqué, depuis un an, ni de nouveauté ni d’intérêt.

Cet intérêt, qui depuis vingt ans et plus s’attachait surtout à l’Afrique, dans ces derniers temps s’est aussi reporté vers l’Asie. Le mémorable voyage de M. Palgrave au cœur de l’Arabie, l’extension tout à la fois politique et scientifique de la Russie dans les parties les moins connues de l’Asie centrale, en même temps que par ses ingénieurs l’Angleterre commence à déborder l’Himâlaya comme pour donner la main à sa redoutable rivale ; enfin, le mouvement déjà fort remarquable que notre présence en Cochinchine commence à imprimer aux investigations dirigées vers la presqu’île Trans-gangétique, non moins inaccessible jusqu’à présent aux Européens que le Tibet, le Japon, la Chine ou la Mongolie : ce sont là des faits géographiques riches déjà dans le présent de résultats considérables, plus riches encore de promesses pour un prochain avenir.

En Afrique, cependant, le champ des investigations est bien loin d’être épuisé ; mais des expéditions qui doivent y poursuivre les récentes découvertes, les unes sont encore à l’état de préparation, les autres ne nous ont pas transmis jusqu’à présent d’information notable. Le docteur Livingstone, parti de Bombay après y avoir complété les préparatifs de son nouveau voyage — qui est le troisième, — est arrivé en juillet à la côte d’Afrique. Il s’est porté de nouveau vers une rivière appelée la Rovouma, qui débouche à la côte entre les 10e et 11e degrés de latitude australe, et dont le cours inférieur a été reconnu, il y à cinq ans et demi, durant la seconde expédition. Aux dernières nouvelles reçues en Angleterre au commencement de septembre, Livingstone était à cent trente milles environ de la côte, chez un chef hospitalier où il se proposait de poser momentanément son quartier-général, pouvant rayonner de là, selon les circonstances, soit vers le Nyanza du sud ou lac Maravi, soit vers le grand lac Tanganîka du plateau central. Il est bon de rappeler que le plan de la nouvelle expédition du docteur Livingstone est, en premier lieu, de compléter l’exploration du Nyanza ou Maravi, qu’il a reconnu le premier en 1861, mais dont il ne put voir alors l’extrémité septentrionale ; secondement, de parcourir l’intervalle de cent cinquante lieues au moins qui sépare le Maravi du Tanganîka, pour déterminer le système hydrographique de cet intervalle encore inconnu ; troisièmement, d’achever, tant au sud qu’au nord, le relèvement du Tanganîka, dont Burton et Speke, en 1859, n’ont vu que la partie centrale, laissant ainsi forcément indécises des questions d’une importance majeure pour la disposition physique du grand plateau du sud. Ce plan est vaste ; mais il ne dépassera pas, il faut l’espérer, les forces de l’explorateur, qui a déjà tant fait pour la géographie africaine.

Nous avons parlé, dans notre précédente Revue, du plan d’exploration conçu par un officier de notre armée, M. Le Saint, et dont il poursuit avec ardeur la réalisation. Des obstacles de plus d’une sorte, et le plus redoutable de tous, le mieux fait pour éteindre la flamme du dévouement, la froide et lourde inertie, là même où