Page:Le Tour du monde - 15.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Amérique, — la carte à grands points de Brué-Dufour nous paraît la moins incorrecte, — on se convaincra d’un coup d’œil que les sources du Jurua ne peuvent se trouver dans le voisinage de la cité de Cuzco, ni jaillir du versant des Andes Centrales, cette rivière après sa jonction avec le Trahuaca, aux environs du 10me degré, changeant brusquement de direction et passant du sud à l’ouest.

Donc, jusqu’à plus ample informé, nous placerons les sources du Jurua sur le versant nord de la Sierra de Ticumbinia, rameau oriental des Andes d’Avisca, près de l’endroit où s’achèvent les cascades-rapides du Santa Ana Ucayali et où commence la région plane habitée par Antis, les Chontaquiros et les survivants de la nation Pano.

Quant aux rivières Trahuaca et Puyaü, nous fixerons le lieu de leur naissance entre le versant oriental des Andes de Tono y Avisca et leur ramification de Piñipiñi.


Embouchure de la rivière Jurua.

Dans les Indiens vêtus de sacs, porteurs de colliers et de pièces de cuivre, dont les pirogues, au dire des Catukinos, passent du Parc dans le Jurua, au moyen des igarapés, des canaux et des lacs dont cette partie du pays est couverte, nous verrons des Antis ou des Chontaquiros, seuls individus en position d’effectuer de pareils voyages, les Conibos, les Sipibos, les Schetibos de la Plaine du Sacrement, étant trop éloignés des sources du Jurua, et les représentants des castes indigènes échelonnées dans l’intérieur, entre le 9me degré et le 15me, c’est-à-dire de la limite du territoire des Antis et des Chontaquiros aux vallées d’Apolobamba, ces représentants n’ayant pour vêtement que leur seul épiderme et ne possédant ni canots, ni pirogues, comme en témoigne leur habitude de passer à la nage les rivières et les ruisseaux[1].

À la version des Indiens Catukinos si nous joignons celle des Canamaris du Puyaü au sujet de fermiers espagnols établis dans le voisinage des sources de cette rivière, nous verrons dans ces prétendus Espagnols des cholos et des métis Péruviens, cultivateurs de coca et de patates douces, comme il s’en trouve dans toutes les vallées de l’est, sur la limite qui sépare la civilisation de la barbarie.

Devant ce tracé idéal d’une rivière encore inexplorée par les voyageurs officiels, plus d’un cartographe jettera les hauts cris et regrettera de ne pouvoir nous prendre aux coiffes. Mais nous le laisserons crier, et jusqu’à ce que la cartographie dont il est le représentant ait acquis des notions précises sur les sources du Jurua, il

  1. Pour des détails à cet égard, voir noire étude sur les vallées orientales du Pérou : Une expédition malheureuse. Paris, Hachette, 1861.