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d’autres traversèrent le fleuve et vinrent s’établir autour des lacs d’Amana et de Cudujaz, où nous retrouvons aujourd’hui quelques-uns de leurs descendants.

Une morne apathie, une mélancolie farouche ont remplacé chez ces Indiens l’humeur guerroyante et féroce qui caractérisa leurs aïeux.

De toutes les castes de Peaux-Bouges civilisées ou abruties par le régime des conquérants, aucune ne nous a paru pousser plus loin que celle des Muras le dégoût et la fatigue des Peaux-Blanches. La solitude des grands lacs n’a rien d’assez profond pour eux, et la vue seule d’un visage pâle suffit à les mettre en fuite. Mais, dans l’empressement du Mura à éviter tout contact avec l’homme blanc, on sent plus de haine que de crainte réelle. S’il pouvait fuir, ce serait à la façon du Parthe, en décochant sa flèche à l’ennemi.


Fourrés de cacao sylvestre.

Comme les Quechuas des plateaux Andéens, les Muras jouent d’une flûte à cinq trous et ont créé une langue musicale à l’aide de laquelle ils conversent entre eux. Deux de ces Indiens, séparés par la largeur d’un canal ou d’un igarapé, échangent des réflexions sur la pluie et le beau temps, se racontent leurs affaires personnelles ou se font part de la rencontre qu’ils ont faite sur quelque lac voisin, d’un intrus civilisé, pêcheur de pira rocou ou de lamantins. Comme chez les Quechuas, le ton majeur est banni de leurs mélodies. L”homme naturel n’eut jamais que des notes tristes pour exprimer la joie et le bonheur.

Des anciens usages que le temps et le contact de la race blanche ont abolis chez les Muras, le plus célèbre était l’admission des jeunes gens dans le corps des guerriers. Cet enrôlement, décrété par la nation, était solen-