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remonter le cours de cette rivière, comme nous avons remonté celui du Jurua, nous aidant pour ce faire de nos études personnelles et des renseignements que les Brésiliens, coupeurs de smilax, pêcheurs de lamantins, chasseurs d’abeilles, fabricants d’huile d’andiroba, de copahu, de câbles de piassaba, etc., etc., ont bien voulu nous donner, par égard pour la science, dont nous étions chez eux, l’obscur représentant.

Large de douze cent quarante-sept mètres à son embouchure, la rivière Purus ou des Purus[1] ne mesure déjà plus que neuf cent seize mètres à l’endroit où le canal Camara lui porte les eaux de l’Amazone. À mesure qu’on avance dans l’intérieur, son lit se rétrécit et ses sinuosités se multiplient. Sur certains points, ces sinuosités sont telles, qu’après vingt-quatre heures de navigation on se retrouve à peu de distance par terre de l’endroit d’où l’on était parti. Ainsi sur l’Ucayali, le fleuve sinueux par excellence, des circuits qu’une embarcation met trois jours à faire, aboutissent pour un piéton à trois heures de marche du point de départ.

Le premier tributaire du Purus, — nous remontons son cours au lieu de le descendre, — est le lac-rivière dos Muras, qu’il reçoit par la gauche et qui le fait communiquer avec le Madeira. Du lit de l’Amazone à l’entrée de cet affluent, dont l’eau est noire et le courant presque insensible, les Brésiliens ont mis dix-huit jours de voyage. Dans le trajet, les seuls Peaux-Rouges qu’ils aient rencontrés sont des individus de la nation Mura, établis au bord des lacs d’eau noire qui profilent le lit du Purus. À ces indigènes ont succédé quelques familles d’Indiens Purus-Purus.

Un second tributaire, du nom de Parana-Pichuna (rivière noire), situé, d’après l’estime des mêmes Brésiliens, à vingt-neuf jours de voyage du Rio dos Muras, vient de l’est mêler ses eaux à celles du Purus et le fait communiquer également avec le Madeira.

C’est entre ces deux rivières, à l’endroit désigné sur notre carte générale des affluents inexploiés de l’Amazone, que commencent les cachoeiras ou rapides du Purus, qui se poursuivent sur une étendue de cinq à six lieues. Ces rapides sont occasionnés par des roches détachées d’une ramification nord-nord-ouest de la chaîne des Parexis, qui traverse obliquement le lit du Purus. Tantôt cachées et tantôt apparentes, ces roches opposent un obstacle au courant et, selon leur gisement, divisent la masse des eaux en plusieurs bras torrentueux ou en deux nappes latérales blanches d’écume.

Au delà de ces rapides, à vingt-trois jours de voyage de Parana-Pichuna, la rivière des Purus, reçoit par la droite, un affluent d’eau noire appelé Tapahua, large d’environ trois cents mètres à son embouchure. Les Brésiliens ont appris par des Indiens Catahuichis, dont le territoire s’étend dans le nord-ouest à travers les sources des lacs Coary et Teffé, jusqu’au Jurua, que cette rivière Tapahua naît dans les forêts à peu de distance du Jurua. En temps de sécheresse, un jour de marche suffit pour passer de la source du Tapahua au lit du Jurua ; en temps de crue, les deux rivières mêlent momentanément leurs eaux de couleurs distinctes.

À cinq jours du Tapahua, un affluent d’eau blanche, appelé Conihua, dont la largeur égale celle du Purus, s’unit à celui-ci par la droite. Fixons en passant notre attention sur ce tributaire, le plus considérable de ceux que reçoit le Purus et le seul dont la source soit ignorée, bien que les Indiens Catukinos, sur le territoire desquels sont entrés les Brésiliens, leur aient appris que le cours du Conihua était parallèle à celui du Jurua et qu’il remontait comme lui vers les possessions espagnoles.

Vingt-cinq jours de voyage, séparent l’embouchure du Conihua de celle du Mucuin, cours d’eau noire, large de quatre-vingt-dix mètres, que le Purus reçoit par la gauche et qui le fait communiquer avec le Madeira.

À vingt-trois jours du Mucuin, les Brésiliens relèvent deux rivières d’eau blanche sans importance, le Mamuria-huasu (grand Mamuria) et le Mamuria-miri (petit Mamuria), qui entrent dans le Purus par sa rive droite. Onze jours de navigation à contre-courant, séparent ces deux affluents.

À quatre jours du Mamuria-miri, la rivière Itusi, large de deux cents mètres à son confluent, vient de l’est porter son tribut d’eau noire au Purus, et le fait communiquer avec le Madeira.

De l’embouchure de l’Itusi à celle du Sapatini, rivière ou plutôt groupe de lacs d’eau noire, reliés par d’étroits canaux et que le Purus reçoit par la gauche, les Brésiliens ont mis vingt-cinq jours de voyage. Déjà, à partir du confluent de l’Itusi, les roches qui depuis longtemps avaient disparu du lit du Purus, ont recommencé à s’y montrer et ont déterminé de nouveaux rapides. En amont du Sapatini, ces roches dressées en talus le long de ses rives, les bordent désormais d’une double muraille.

À la jonction du Sapatini et du Purus, les voyageurs ont fait rencontre d’Indiens Sehuacus, et ont échangé avec ces naturels des harpons et des hameçons contre des produits de leur industrie. Le territoire de cette tribu qui compte environ deux cents hommes, confine dans le nord avec celui des Indiens Catukinos, dans le sud avec celui des Canamaris.

L’embouchure du Sapatini dépassée, les Brésiliens ont pu pendant trente-deux jours encore, remonter le cours du Purus ; puis son lit s’est considérablement rétréci, les roches s’y sont montrées en plus grand nombre et il a cessé d’être navigable. Après l’avoir vu disparaître dans le sud-sud-ouest, les voyageurs sont entrés dans un affluent qu’à cet endroit il reçoit par la droite. Cet affluent porte le nom de Pahuini. Sa largeur

  1. Ainsi nommée de la nation des Purus-Purus, dont le territoire, au dix-septième siècle, s’étendait de son embouchure à cinquante lieues dans l’intérieur. Cette nation est représentée aujourd’hui par sept ou huit familles disséminées dans l’espace compris entre le lac-rivière dos Muras et les premiers rapides du Purus.