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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/276

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mais M. H. Martin désirait partir pour l’Irlande, et, de mon côté, j’étais pressé d’assister à l’Eisteddfod de Carnarvon ; aussi prîmes-nous la diligence qui conduit à cette dernière ville par Barmouth, Harlech et Tremadoc.

En quittant Dolgelly, il est préférable de partir à marée hante, si l’on ne veut pas perdre beaucoup de la beauté du paysage. Une grande partie de cette vallée est richement cultivée ; ailleurs, d’énormes rochers couverts d’une magnifique bruyère violette viennent se projeter sur la route. Devant nous s’étend un long bras de mer entouré de montagnes, dont Cadair Idris est le point culminant.

Barmouth, où nous arrivâmes bientôt, est un petit port de mer assez insignifiant ; j’y quittai M. H. Martin qui s’y arrêtait pour visiter un ami.


Vue extérieure du château de Carnarvon. — Dessin de Grandsire d’après M. A. Erny.

Harlech, ou j’arrivai sous une pluie battante, est une petite ville pauvre et mal bâtie ; son château est un des plus beaux du pays de Galles : une double porte et quatre puissantes tours sont assez bien conservées pour donner une idée de son antique grandeur. On a pensé que Harlech était une ville romaine, et la découverte fréquente de monnaies et d’autres antiquités dans les environs, rend cette conjecture probable. En 1692, on trouva dans un jardin, près du château, un collier d’or du poids de huit onces, provenant de quelque ancien chef breton : cette curieuse antiquité est conservée dans la famille de Mostyn. Un château-fort existait à Harlech, dès le treizième siècle, car, à cette époque, Bronwen « au sein de neige, » fille de Bran Bendigeid ou le Béni[1], y faisait sa résidence : une des tours s’appelait twr Bronwen. Le château actuel s’élève sur un énorme rocher qui domine la mer d’Irlande : du côté de l’est il est défendu par un fossé profond ; et, du côté de la mer, par un grand marais. Il a été bâti par Édouard Ier, et fut le théâtre de nombreux combats entre Owen Glendower et les Anglais : en 1440, il servit de refuge à la malheureuse Marguerite d’Anjou, après la bataille de Northampton, et le dernier des Galles du Nord tint pour le roi Charles Ier.

Avant qu’on eût construit des chaussées et que le marais dont nous avons parlé eût été desséché, les esprits du feu avaient l’habitude de jouer d’étranges tours aux habitants des environs ; ils empoisonnaient le gazon, mettaient le feu au foin et au blé et faisaient grand mal aux bestiaux.

Une fois, pendant huit mois consécutifs, ces terribles feux follets ne cessèrent d’apparaître dans toutes les parties de la Morfa Bychan ou petit Marais, sous

  1. Selon les légendes galloises, Bran, souverain de Bretagne, reçut le titre de bendiged (béni) pour avoir introduit le christianisme dans l’île. Il était père du célèbre Caradawc (Caratacus), dont il partagea la captivité, et, pendant ses sept années de prison à Rome, il embrassa le christianisme. À son retour dans son pays, il y fit prêcher l’évangile. (Note de l’auteur.)