Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 15.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la forme de flammes bleuâtres et errantes, faisant entendre le son du cor ou d’autres bruits étranges, à la grande frayeur de tout le pays. Ils n’avaient aucun pouvoir sur les hommes, mais détruisaient les animaux domestiques et les végétaux. Une nuit, un fermier, voyageant à cheval, vit devant lui comme une boule vivante qui roulait autour des pieds de son cheval. On ne sait ce qu’il serait devenu s’il ne se fût rappelé le pouvoir d’un Pater noster sur les mauvais esprits. Il dit la prière à haute voix ; la boule jeta un éclair ; un rire sardonique déchira l’air, et le fermier, en regardant derrière lui, vit le feu follet bondir vers le centre de Cwm Bychan (le petit Creux)[1], puis, de là, rouler et disparaître dans un cercle de pierres druidiques au fond de la vallée.

À Maentrowg, je profitai de trois heures d’arrêt pour aller voir la vallée de Festiniog, une des plus célèbres du pays de Galles. Lord Littleton dit : « Avec la femme qu’on aime, l’ami de son choix et quelques bons livres, on pourrait y passer un siècle et croire n’avoir vécu qu’un jour. Si quelqu’un désire vivre longtemps et renouveler sa jeunesse, qu’il vienne se fixer à Festiniog. » À trois milles de cette ville, l’on voit sur une colline trente ou quarante monticules de trois pieds de haut, avec une petite pierre de chaque côté. Tout près sont un carnedd et plusieurs cercles de pierres.


Vue intérieure du château de Carnarvon. — Dessin de Grandsire d’après M. A. Erny.

Voici la tradition que l’on raconte à ce sujet.

Les hommes d’Ardnwy, ayant fait une incursion dans la vallée de la Clyde, ramenèrent un certain nombre de femmes qu’ils conduisirent dans cette partie du pays. Poursuivis et atteints par les guerriers de la vallée, un combat s’ensuivit, et les hommes d’Ardnwy furent tous tués. Cependant ils avaient si bien conquis l’amour de leurs belles prisonnières, que, plutôt que de retourner dans leur pays, elles préférèrent se jeter dans une mare, appelée depuis Llyn-y-Morwynion, où elles périrent toutes. Les guerriers morts furent enterrés dans cet endroit, et les monticules marquent le lieu de chaque sépulture.

De Maentrowg au petit Port de Tremadoc[2], je ne vis rien qu’une route poudreuse et des champs succédant à d’autres, d’une façon assez monotone. Les huit milles qui séparent Tremadoc de Beddgelert sont, au contraire, magnifiques ; les masses de rochers se rapprochent de plus en plus, et l’on se trouve au milieu d’un défilé sauvage. À droite de la route, court la jolie rivière de Glas Llyn, dont les eaux cristallines scintillent comme un

  1. Cwm Bychan est une vallée d’environ un mille de long ; elle tire son nom d’un petit lac entouré de hautes montagnes.
  2. On croit généralement que l’aiguille de la boussole est sensiblement affectée en approchant de cette côte, grâce à l’aimant qui abonde dans les montagnes voisines.