Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 15.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a partout remplacé ces pittoresques draperies, et je n’ai vu, en fait de costumes originaux, que les grands schalls à carreaux rouges et noirs des femmes, et leurs chapeaux de feutre pointus pareils à ceux des hommes.

Après l’ouverture du Gorsedd, on lut en anglais et en gallois la prière de l’Eisteddfod, et l’on chanta un chœur fort beau, accompagné par les harpes.

Le cortége se dirigea ensuite vers le château, aux sons des trompettes, et entra dans une vaste tente disposée pour recevoir de quatre à cinq mille personnes : elle était soutenue par un grand nombre de colonnes, et se composait de trois rangées de siéges, de prix divers, correspondant aux différentes classes de la population. Autour de l’enceinte et aux mâts du centre, étaient suspendus les écussons des nations unies de la Grande-Bretagne, et des bannières, dont l’une portait les trois couleurs, comme les drapeaux français et hollandais. Partout serpentaient des guirlandes de feuillages entremêlées de fleurs blanches et rouges. Les principales devises qu’on pouvait lire sur les drapeaux étaient : Hebb dduw, heb dim. (Sans Dieu il n’y a rien) ; Duw aphob duioni (Dieu est tout bien) ; Mewn undeb mae nerth (Dans la concorde est la force). Sur un grand carré noir, on distinguait l’emblème des princes de Galles, la couronne aux trois plumes. Au fond s’élevait une estrade devant laquelle on avait placé six bustes, représentant la reine Victoria et des personnes éminentes de Galles. Un grand nombre des assistants étaient décorés de rubans verts et bleus, figurant le poireau gallois, rival du chardon d’Écosse et du trèfle d’Irlande ; çà et là plus d’une jolie Galloise portait à la ceinture l’emblème bardique des trois épis de blé mûr.


L’Eisteddfod, à Carnarvon (1862). — Dessin de Grandsire d’après M. A. Erny.

Une foule compacte se pressait dans la vaste tente, où s’étaient réunis nobles, bourgeois, manufacturiers, paysans et ouvriers. Un des secrétaires honoraires lut au président une adresse où je remarquai les phrases suivantes :

« L’Eisteddfod est une des institutions littéraires les plus anciennes qu’on puisse noter. Il a pour objet le développement du talent naturel, l’élévation du goût et du caractère national, et a contribué à tirer de l’obscurité la plupart des hommes de talent qui ont fait la gloire du pays de Galles. »

Un des bardes présidents se leva alors et dit : « Que durant cette session, on devait éviter toute matière pouvant conduire à de regrettables dissensions. Nul bien ne peut sortir de déclamations violentes contre d’autres nations (l’Angleterre, comme on peut le deviner). Quand ce vieux château a été bâti, une inimitié terrible régnait entre les Anglais et les Gallois. Ces jours de combat sont passés, les passions de ces temps-là sont éteintes ; ensevelissons-les pour jamais. Maintenant nous ne