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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/285

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resté longtemps à contempler la belle vue qui s’étendait autour de moi. Dans la partie basse de cette tour, on me montra une petite chambre, où naquit, dit-on, Édouard II, le premier prince de Galles, de sang étranger. Quand Edouard Ier, son père, devint maître du pays de Galles, le district de Snowdon fut le plus difficile à soumettre ; pour le dominer il éleva les châteaux de Conway et de Carnarvon bâtis sur les plans, dit-on, de ceux qu’il avait vus en Palestine. On regrette, dans cette belle ruine, l’absence du lierre qui orne d’une façon si pittoresque tant d’autres vieux châteaux. Dans une petite niche au-dessus de l’entrée apparaît la statue du fondateur, tenant dans sa main gauche une épée qu’il remet au fourreau selon les uns, et dont, selon les autres, il menace ses nouveaux sujets. Quant au massacre des Bardes, ordonné par ce prince, les uns le nient, d’autres l’affirment. Les premiers assurent qu’Édouard Ier attira les Bardes, sous prétexte d’une fête, au château de Carnarvon, et fit massacrer ses hôtes. Le fait paraît peu probable. Ce qui est sûr, c’est qu’Édouard promulgua des lois très-sévères contre les Bardes ; peut-être en a-t-il fait mettre à mort quelques-uns ; mais il était trop désireux de pacifier sa nouvelle conquête, pour blesser à ce point les sentiments les plus chers du peuple par un massacre général. Qu’on se rappelle le voyage de la reine Éléonore, femme d’Edouard Ier, partant au cœur de l’hiver du château de Conway pour venir mettre au monde un fils à Carnarvon. Un acte aussi politique est incompatible avec le prétendu massacre. Il est caractéristique qu’Édouard ait choisi le château de Carnarvon, plutôt que ceux de Flint, de Rhuddlan ou de Conway. L’Arvon était le domaine privé de Llewelyn, et le point où le roi d’Angleterre avait eu le plus de résistance à vaincre ; car, après la mort de Llewelyn, les hommes de Snowdon avaient signifié qu’ils ne rendraient point hommage à un étranger dont ils ignoraient la langue, les lois et les coutumes. Édouard leur promit un prince gallois, au risque d’une collision future entre deux branches de sa propre famille (car son fils aîné vivait encore) ; il envoya sa femme à Carnarvon pour donner aux Gallois, comme il s’y était engagé, un prince né dans leur pays et n’ayant jamais parlé un mot d’anglais.


Maison de Iolo Morganwg, auteur gallois. — Dessin de Grandsire d’après M. A. Erny.

La ville de Carnarvon est entourée de murs épais et fort bien conservés. L’église principale est dédiée à Publicius, frère de la célèbre Hélène, la mère de Constantin. À peu de distance se trouvent les restes de Segontium, bâti vers 365, par Maximus, que les Gallois célèbrent dans leur traditions, sous le nom de Maxen.

Les traditions prétendent qu’il désola l’île de Bretagne, en transportant une partie de ses habitants en Gaule, où il aurait donné son origine à la population de la Bretagne. Il se fit proclamer empereur en 381, selon les uns, 383 selon d’autres, et fut battu en Pannonie par Théodose, auquel il fut livré, et qui le fit massacrer.


VIII


Excursions aux lacs de Llanberis. — Le captif de Dolbadarn. — L’histoire de Llwelyn. — Dinas Emrys ou le fort de Merlin. — Histoire du prince Madoc et de sa découverte de l’Amérique. — Beddgelert. — Légende du chien Gelert. — Les Esprits frappeurs. — Retour à Carnarvon.

Je profitai de mon séjour à Carnarvon pour faire une excursion aux lacs de Llanberis et à Beddgelert. La route d’abord, assez monotone, serpente ensuite le long du premier lac dont les rives sont fort pittoresques. Un peu plus loin apparaît une ligne de montagnes d’où se détachent trois pics d’un aspect étrange. Ce sont Yr Eifl ou les Rivaux. J’aperçus ensuite dans toute sa gloire la montagne sacrée du pays de Galles, le Snowdon, la tête entourée d’une couronne de nuages, et appuyé sur deux hauteurs moins élevées, comme un patriarche soutenu par ses fils.

Le second lac, était en partie couvert de nénufars blancs qui étalaient au soleil leur calice transparent, parmi les reflets pourpres que jetaient dans les eaux les bruyères de la rive.

Sur une petite presqu’île, entre les deux lacs, s’élève une tour circulaire qui commande les deux côtés de la vallée, et qui a été, grâce à sa position, une forteresse de grande importance. La prairie voisine fut appelée Dol-badarn, ou la prairie de Padarn, du nom d’un saint homme qui avait choisi ce lieu pour y passer le reste de ses jours dans la solitude et la prière. C’est sans doute le fameux barde chrétien auquel on attribue ces paroles : « As-tu entendu ce que dit Padarn, le célèbre prédicateur ? Ce que l’homme fait, Dieu le juge. » Le château de Dolbadarn a remplacé sa cellule, on ne sait qui l’a construit. Il appartint à Llewelyn, le dernier des princes gallois, qui y tint prisonnier, pendant plus de vingt ans, son frère Owen Goch, ou le rouge. Owen, élevé à la principauté en commun avec