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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/292

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de rechange. Les piétons en usent de même avec leurs sandales de paille tressée. Les routes du Japon sont toutes jonchées de chaussures abandonnées, ayant servi, les unes aux voyageurs pédestres, les autres aux chevaux de transport.

Le Tokaïdo est interrompu, sur plusieurs points de son parcours, par des bras de mer et des rivières torrentueuses. De grandes barques, faisant service de coche, traversent en deux heures le détroit qui sépare l’île de Kiousiou de Simonoséki.

La plupart des voyageurs et même des pèlerins profitent de l’occasion des grosses jonques marchandes de la mer intérieure pour faire le trajet de Simonoséki à Hiogo. Il n’y a qu’une demi-journée de marche de Hiogo à Osaka, et une journée d’Osaka à Kioto.

C’est entre cette dernière ville et Yédo que sont les parties les plus pittoresques de la route.

On franchit en bateau l’anse méridionale du charmant lac d’Oïtz, et plus loin une crique de la mer intérieure dans la province d’Idsou.


Chevaux de somme. — Dessin de Émile Bayard d’après des esquisses japonaises.

Quant aux rivières sur lesquelles les constructeurs indigènes n’ont pu, malgré toute leur habileté, établir de ponts, il faut les passer sur des bateaux plats ou sur les épaules de vigoureux porteurs, spécialement préposés au service du gué. C’est une profession qu’ils exercent de père en fils. Ils forment même une corporation, qui indemnise les voyageurs en cas d’accidents personnels ou d’avaries de bagages. Un mouchoir noué sur le front et une ceinture autour des hanches composent tout leur costume. Pour le reste du corps, le tatouage supplée au vêtement, selon l’usage généralement répandu parmi les coulies des grandes cités japonaises. Ce genre de peinture n’admet que des sujets héroïques, tels que la lutte du héros de Yamato contre le dragon, le tribunal du grand juge des enfers, et l’image de ce brave incomparable qui, au moment même ou sa tête tombait sous le glaive, sut encore arracher, d’un coup de dents, un pan de la cotte de mailles de son ennemi.

Les prix de passage, toujours extrêmement modérés, varient selon que l’on engage huit hommes pour se faire transporter en norimon, ou quatre hommes avec une litière, ou deux hommes et un brancard, ou enfin un simple porteur. Dans ce dernier cas, qui est le plus fréquent, le voyageur se met à cheval sur la nuque du porteur, et celui-ci l’empoignant par les deux jambes et lui recommandant de bien garder l’équilibre, s’avance dans l’eau à pas lents, fermes et mesurés. Le procédé est le même pour les indigènes des deux sexes. Ils s’y prêtent avec une égale docilité, et cheminent de conserve en fumant leur pipe et se communiquant leurs observations sur la hauteur des eaux et la longueur du trajet.