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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/338

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du quatorzième siècle, où trois nefs s’ouvrent sur un vaste transept, terminé par un chœur pentagonal. Un triforium élégant règne sur toute la longueur de la grande nef, qui peut contenir 1 800 personnes. La tour, assise sur une base carrée, s’élargit au fur et à mesure de son élévation ; sa partie supérieure, octogonale, se termine par une flèche élancée, dont les arêtiers à crochets se découpent hardiment sur le ciel ; elle a 60 mètres de hauteur.

Derrière l’église on a construit une belle salle d’asile et un nouvel hôpital, qui contient quatre-vingts lits ; cinquante-cinq destinés à des malades civils, hommes et femmes ; vingt-cinq affectés aux malades militaires.

Il y a quelques années seulement, on eût vainement cherché un monument à Plombières ; il semblait que la nature ayant tout fait pour elle, l’art ne devait pas se préoccuper de l’embellir. Une seule maison aurait pu, tout au plus, fixer l’attention, c’est la maison des Arcades, où l’on avait installé jadis l’hôtel de ville, et qui sert aujourd’hui de logement à l’Inspection. Cette maison, d’un aspect grave et d’un assez grand air, fut bâtie en 1760, en l’honneur de Mesdames Adélaïde et Victoire de France. Sur sa façade, on a placé tout récemment l’écusson du roi Stanislas, qui surmontait la porte démolie de l’ancien hôpital. Sous les arcades qui soutiennent cette maison, et qui, en cas de pluie, offrent une sorte de petit promenoir, sont de modestes boutiques. Quelques personnes du pays appellent cette maison le Palais-Royal ; le nom est plus fastueux que la chose.

À l’est de la ville, assez près de la promenade des Dames, se trouve la mairie.

À l’autre extrémité de la ville, sur la route de Luxeuil, à deux pas de l’emplacement où s’élevait le château de Ferry III, est une autre maison officielle, la caserne de la gendarmerie, où demeurent les sept ou huit gendarmes qui suffisent aisément à maintenir l’ordre à Plombières, mais non à écarter la mendicité des promenades et des rues. Cette caserne surplombe la rue de l’Impératrice et le commencement de la route de Saint-Loup que l’on suit pendant quelques minutes pour arriver au bain Napoléon III, situé au sud-ouest, entre les dernières maisons de la ville et les constructions de l’ancienne tréfilerie.

La première pierre de ces nouveaux thermes a été posée le 22 juillet 1857. L’établissement offre un caractère vraiment monumental. Deux grands hôtels bâtis de chaque côté de cette construction et communiquant entre eux par une galerie, peuvent recevoir deux cents personnes qui trouvent là le logement, la table et le bain.

En face de ces hôtels, l’administration concessionnaire des thermes a dû accroître et restaurer un chalet élégant destiné à recevoir plusieurs familles. C’est l’ancien pavillon de Tivoli.

Tandis qu’on faisait un Plombières neuf, les propriétaires de l’ancien Plombières ont rivalisé de zèle ; ils ont agrandi leurs maisons, et meublé confortablement leurs appartements. Leurs tables d’hôte se sont améliorées ; les attentions et les soins si précieux aux malades se sont multipliés, et la vieille ville, tout en se perfectionnant, a conservé sa physionomie particulière.

Quand le ciel est pur et promet une belle journée, — au mois de juillet, par exemple, — la rue Stanislas, qui, à vrai dire, résume la ville tout entière, offre, entre onze heures et midi, un spectacle à la fois curieux, original et naïf. Les déjeuners sont terminés, les baigneurs (terme technique, autrefois on disait les baignants, c’était un barbarisme ; il y a progrès), les baigneurs sortent de la salle à manger et viennent prendre l’air sur les bancs de bois blanc placés à la porte de chaque maison. Alors, de tous côtés, surgissent les mendiants, les joueurs d’orgue de Barbarie, les montreurs de curiosités, et surtout et avant tout, les loueurs et les loueuses d’ânes, qui trônent, eux et leurs quadrupèdes, sur le pavé, sur les trottoirs, parfois même jusque sur le seuil des maisons, avec le sans façon qui appartient aux personnages indispensables. L’âne, en effet, joue un des premiers rôles à Plombières ; il est l’âme des parties de plaisir. Son allure tranquille, son pas assuré, sa patience et sa douceur inaltérable en font une créature d’une essence privilégiée, dans ce pays où tout plaisir est une promenade, toute promenade une ascension, toute ascension une occasion de cris de joie ou de témoignages d’impatience pour les enfants, les femmes et les malades, — les malades qui, sauf de bien rares exceptions, sont plus féminins que la femme, plus enfants que l’enfance.

Voyez, la caravane n’est pas encore prête ; mais, ne vous inquiétez pas, elle le sera bientôt. Les enfants ont donné le signal en enfourchant d’autorité les ânes les plus élevés, — ceux qui ressemblent le plus à des chevaux ; — ils font, à titre d’essai, le tour de la place, en attendant qu’il leur soit permis de commencer une entreprise plus sérieuse. Les mères ont d’abord protesté contre ces folies ; mais bientôt l’allégresse des bambins prend des proportions telles, leurs transports sont si bruyants, si sincères, qu’il n’y a plus à s’en défendre ; il faut les imiter. Les servantes attentives ont descendu le chapeau de paille aux larges bords ; les mamans s’en sont coiffées, et, l’ombrelle au poing, elles se sont mises en selle. Hourras de triomphe poussés par les enfants ; ils tapent leur âne à tour de bras : ils l’encouragent, ils le flattent, ils l’injurient, ils l’excitent. L’âne, ainsi houspillé, ne s’émeut pas ; mais comme au fond il est bonne personne, il fait semblant d’être ahuri, et tout à coup il part au très-petit trot pour reprendre, à une dixaine de pas, la démarche lente et sage d’un véritable philosophe.

Tant que les enfants et les mères ont été là, les maris sont restés sur le seuil des portes, causant, comme tout malade peut le faire, pluie, beau temps, politique et rhumatismes ; mais dès que la cavalcade a disparu, ils se dirigent vers le tir au pistolet, ou se rendent au salon, les uns pour organiser un whist, les autres pour lire les journaux ; celui-ci pour essayer son adresse au billard, celui-là pour fumer son cigare et déguster