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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/344

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rasse de la Vierge, ornée d’un petit kiosque et de la chapelle Saint-Joseph, et d’où l’on domine la ville. Chaque soir, quand la nuit commence à s’étendre sur Plombières, on voit, de la profondeur des rues, un rang de lumières scintiller devant la statue de Marie. Un peu au-dessus on rencontre un autre sentier horizontal qui mène à un petit bois de sapins, d’où le paysage est si beau et si étendu qu’à juste titre cet endroit a été surnommé Bellevue.

Si vous vous dirigez à l’ouest, en suivant la rue de la Préfecture, du côté de la route d’Aillevillers, vous vous trouvez bientôt sur une petite promenade couverte de tilleuls et de frênes. Là, deux fois par semaine, se réunit l’orchestre. À droite de l’allée d’arbres, on a construit des baraques assez laides, il est vrai, mais dans lesquelles on a accumulé une foule de produits, broderies, cristaux, curiosités, jeux de toupie Hollandaise, qui retiennent agréablement les promeneurs.

De là, si vous franchissez le bain et les hôtels Napoléon, vous arrivez au parc des hôtels, dessiné à l’anglaise, qui embrasse la vallée dans son plus grand élargissement. — Les allées y sont nombreuses, les unes conduisent au lac, les autres vous ramènent à la route latérale que vous venez de quitter ; — la principale vous dirige vers les bois de la fontaine Stanislas. — Toutes ces allées vous permettent une grande liberté, soit que vous désiriez fuir le monde, soit que vous recherchiez la société ; mais, quel que soit votre goût, ne quittez pas le parc sans vous arrêter un instant devant un amas de roches fragmentées, d’aspect sauvage, que les gens du pays appellent des meurgères ou des murjets et que les savants nomment moraines, — vous en trouverez plusieurs échantillons épars dans vos promenades.


La vallée des Roches. — Dessin de H. Clerget d’après nature.

Une fois engagé dans les allées couvertes du bois qui termine le parc, vous arriverez, après une marche de quinze à vingt minutes, sur un petit plateau au-dessus duquel projette ses rameaux le vieux chêne qui ombrage le petit filet d’eau qu’illustre le nom du bon roi. — Vous êtes à la fontaine Stanislas. De ce plateau, on jouit d’un panorama qui sans doute ne vaut pas celui de Bellevue, mais mérite cependant qu’on s’y arrête.

Si l’on redescend de la fontaine Stanislas sur la route d’Aillevillers, ou se dirige vers la pierre Corraude. L’aspect de cette pierre, que l’on croit d’origine druidique, est réellement étrange. Elle est haute de six mètres ; son sommet à trois mètres soixante-sept centimètres de longueur ; sa base, qui a plus de six mètres de tour, repose sur un pivot de soixante-six centimètres carrés.

Il y a non loin de la fontaine Stanislas un village nommé Ruaux.

Suivant la tradition, Ruaux était autrefois une ville, et cette ville n’était habitée que par des fous. Les fées couvraient d’une protection particulière cette population d’insensés. Aussi avaient-elles résolu de bâtir un château fort destiné à préserver de toute attaque le village des innocents. L’emplacement qu’elles avaient choisi était une éminence située dans la forêt dite Fays. (Ce point, si on en croit les hommes de l’art, est tout justement un point stratégique de la plus haute importance ; les fées avaient devancé Vauban.) Le château devait être bâti en une seule nuit ; c’était une condition imposée aux fées et qui n’était pour elles le sujet d’aucune inquiétude, tant elles étaient habiles. Mais, ou la besogne était plus longue que ces bonnes ouvrières ne l’avaient supposé, ou quelque puissance supérieure, un mauvais génie sans doute, avait des motifs pour s’opposer à ce que