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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/352

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aux bestiaux que le mauvais temps force parfois à chercher un abri. Quand une certaine quantité de fromages est faite, on appelle, à l’aide d’une longue corne en écorce de bouleau, un troupeau d’ânes qui paissent aux environs ; aussitôt ils arrivent, on les charge, ils descendent, sans guide, jusqu’à la vallée ; là ils reçoivent les provisions nécessaires à la subsistance des marquards ; puis chacun d’eux remonte vers le chalet auquel il appartient et stationne patiemment à la porte, jusqu’à ce que le maître juge à propos de le débarrasser de son utile fardeau.

Au Honneck se rattache le Collet, dont les pans sont sillonnés de nombreux sentiers en zigzag formés de rondins à demi engagés dans la terre, et placés horizontalement à la distance d’un pied de l’autre. Les montagnards appellent ces chemins des schlitts. C’est par là qu’ils descendent les coupes annuelles des forêts.

Avant de retourner à Plombières, on visite ordinairement la vallée de Granges, la plus belle, peut-être, de toutes celles qu’arrosent les nombreux cours d’eau qui descendent des Vosges. Elle forme une oasis d’ombre et de verdure, où s’étendent de riantes prairies dans lesquelles la Vologne trace en murmurant un sillon argenté. Le hêtre, le chêne, le tremble, le bouleau, y adoucissent les teintes plus sombres des sapins. Tout, dans cette charmante vallée, où règne un calme profond qu’interrompent seulement, de temps à autre, le son métallique de la corne des pâtres et le tintement des sonnettes suspendues au cou des vaches qui s’en vont çà et là cherchant leur nourriture, rappelle le printemps éternel des poëtes. Mais ne revoyez pas la vallée de Granges vers les derniers mois de l’année : la neige qui l’ensevelit sous son linceul vous reporterait bien loin des campagnes mythologiques.


Gérardmer. — Dessin de H. Clerget d’après nature.

Sur le côté de la vallée de Granges, dans une grotte formée, au flanc de la montagne, par une accumulation de roches qu’une mousse humide et épaisse couvre d’un riche manteau, se trouve une glacière naturelle ou s’entretient constamment une telle fraîcheur que les glaces y résistent aux plus ardentes chaleurs de l’été.

Les habitants de la vallée de Granges sont aussi fiers de leur glace que les habitants de Gérardmer le sont de leurs fromages. Ils disent dans leur patois :

Li gran do qué fa d’chau, aimo d’bourre è lé giasse,
      Et ont do mô po lo vodié ;
Magran nos evo pohi, do li pi sochrasse ;
      N’evo in gro do in potié.

« Les grands, lorsqu’il fait chaud, aiment à boire à la glace et ont de la peine à la conserver ; mais nous en avons ici, dans les plus grandes sécheresses, nous en avons dans un trou. »

On peut faire d’autres excursions pittoresques autour de Plombières, et aller même, si l’on veut, jusqu’au Ballon des Vosges, mais les promenades que nous venons d’indiquer suffisent pour qu’on ne perde jamais le souvenir de ce frais pays qui, pendant trois mois environ, juin, juillet et août, est assurément l’un des plus agréables et des plus salubres de France.

L.