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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/395

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livr. 268), M. le comte de Bisson a trouvé une autre nécropole sur laquelle il a bien voulu me donner une note intéressante que l’espace ne me permet pas de donner ici.

De Desset je rentrai sans autre incident à Monkoullo dont j’ai déjà décrit les villas rustiques et les jolies porteuses d’eau. Je m’y reposai deux jours, et j’arrivai au bout de ma fatigante odyssée à Massaoua[1], ville ennuyeuse qui avait pour moi en ce moment le charme inappréciable de ne pas faire partie des États de « mon père. » On saura que Théodore m’avait donné ce titre de père dix mois auparavant, et comme je n’ai été ni mieux ni plus mal traité par lui que par ses propres fils, je n’ai pas trop à me plaindre.


Sikarna (voy. p. 390). — Dessin de E. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.




APPENDICE AU VOYAGE EN HAUTE-NUBIE[2].


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RÉVOLTE ET SAC DE KASSALA (1865).

Mes lecteurs n’ont sans doute pas oublié les esquisses que je leur ai tracées de mon séjour à Kassala, dans la haute Nubie, en février et mars 1864. Quand je quittai cette curieuse ville, je ne prévoyais pas les scènes tragiques qui devaient, quelques mois plus tard, ensanglanter un coin de terre qui ne m’avait laissé d’autres souvenirs que ceux d’une véritable idylle africaine. Le hasard même qui m’en fit connaître les détails est à lui seul d’une originalité singulière. J’étais, il y a moins de trois mois, à Athènes, beaucoup plus préoccupé d’histoire classique que de géographie éthiopienne, quand quelqu’un qui n’entendit parler de la Nubie et qui savait que j’y avais été me demanda si je n’y avais pas vu un certain sujet grec nommé Kotzika. Je me souvins que c’était le gendre de mon brave ami le mallem Ghirghis et que j’avais parlé de lui dans un de mes récits. J’appris alors qu’ayant éprouvé de grandes pertes dans la révolution de Kassala, il avait porté ses réclamations contre l’Égypte au parlement hellénique et publié tout au long les détails de cette sanglante insurrection dans des suppléments du journal la Grèce. Mon interlocuteur eut même l’obligeance de me procurer ces suppléments, et comme c’était l’heure où j’avais coutume d’aller fumer mon narghilé au temple de Jupiter Olympien (les ultra-hellénistes pardonneront-ils cette profanation à un philhellène ?), j’emportai ces feuilles et je les lus à l’ombre de l’auguste colonnade, à cinquante pas de l’Ilissus. J’éprouvais une volupté bizarre à retrouver dans de pareilles circonstances, tous ces noms familiers de mallem Ghirghis, de cheikh Mouça, de M. du Bisson, d’Ibrahim-bey et tant d’autres, les uns amis, les autres hostiles.

Plus tard, à Paris, d’autres correspondances m’ont permis de compléter mes premières notions sur les scènes de Kassala, et d’en présenter un récit qui, sans rien sacrifier à la fiction, réunira, je crois, la vérité scrupuleuse et le tragique.

Cela dit, j’entre en matière.

Bien des changements ont eu lieu dans cet intervalle. Et d’abord, le vieux Ghirghis est mort. Tous les voyageurs européens qui, depuis douze ans avaient passé à Kassala, avaient été les obligés de cet excellent homme, et les livres de MM. Charles Didier, Hamilton, Schweinfurth, Munzinger et tant d’autres ont rendu familière à notre public cette figure aimable et hospitalière. Sa maison de commerce, la plus importante peut-être du

  1. Il s’est commis une erreur dans l’attribution de la gravure de la page 152, liv. 271, représentant un derviche et une femme du peuple. Ce dessin doit figurer, non à la liv. 271 (Massaoua), mais à la 268e (Kassala) comme le texte en fait foi.
  2. Voyage au Taka (Haute-Nubie), tome XI (1865), p. 97 à 160, nos 268-271.