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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/417

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REVUE GÉOGRAPHIQUE,

1867
(PREMIER SEMESTRE)
PAR M. VIVIEN DE SAINT-MARTIN.
TEXTE INÉDIT.


Annonce de la mort du docteur Livingstone, assassiné par les Noirs. Récit de Mousa, chef de l’escorte du voyageur. — Doutes suscités par des informations ultérieures. Une expédition préparée à Londres pour aller constater sur les lieux mêmes le sort du voyageur. — Relation de la seconde tentative de du Chaillu dans l’Afrique équatoriale par le bassin de l’Ogobaï. Le voyageur et le voyage. — Les autres explorateurs de l’Afrique. Gherard Rohlf dans le Soudan oriental ; C. Mauch dans le Transvaal. — Le Saint sur le fleuve Blanc, vers la région des sources du Nil. — Le grand lac du haut Nil. M. et Mme Baker à la séance publique annuelle de la Société de géographie de Paris. — Les explorations asiatiques. L’expédition française pour la reconnaissance scientifique du fleuve du Kamdodj. Le Laos. Les races de l’Indo-Chine orientale. — La Corée et notre récente démonstration maritime. — Le Japon et la relation de M. Humbert. — Une pointe vers le pôle. Les projets récents d’expéditions polaires en Angleterre, en Allemagne et en France. M. Gustave Lambert. — Le livre récent du docteur Hayes, des États-Unis, sur son voyage arctique de 1861. — Les températures polaires.


I


Un douloureux incident est venu contrister les amis de la géographie, et les admirateurs d’un des hommes qui depuis vingt ans ont le plus énergiquement contribué à l’avancement des explorations africaines : la mort violente du Dr Livingstone a été annoncée par des dépêches de la côte orientale d’Afrique, arrivées en Angleterre dans les derniers jours de mars. Hâtons-nous d’ajouter que des doutes restent encore, et que l’on peut conserver quelque espoir de voir démentir la triste nouvelle.

C’est une lettre du Dr John Kirk, résident anglais à Zanzibar, qui la première l’a transmise en Europe. Le Dr accompagnait l’illustre explorateur dans son précédent voyage au Zambézi et au lac Nyassa, dont il a contribué, par plusieurs morceaux importants insérés au Journal de la Société de géographie de Londres, à faire connaître les résultats. Que les détails qu’elle contient soient tous exacts ou non, c’est un document à conserver. Elle n’a d’ailleurs, que nous sachions, été reproduite intégralement dans aucune publication française ; la voici dans son entier :

« Le Dr Livingstone, dans ses dépêches du 8 mai de l’année dernière, nous avait dit qu’au nord de la Rovouma, au delà du confluent, les Mazitou dévastaient tout le pays. Les Mazitou sont des Zouloû émigrés il y a une quarantaine d’années du sud du Zambézi, et que nous avons rencontrés au nord-ouest du Nyassa dans notre voyage en 1861. Le Dr Livingstone resta quelque temps près du chef de Ngomano, au confluent de la Niendé (ou Loendé) et de la Rovouma. Parti de Ngomano, il traversa d’abord un pays plat, boisé, faiblement peuplé, puis une région montagneuse habitée par les Ouaïao et les Makona, deux tribus au milieu desquelles il trouva un accueil amical au lieu des embûches dont on l’avait menacé. Son escorte, cependant, était devenue moins nombreuse. Les marins de Bombay l’avaient quitté pour regagner la côte, à l’exception du havildar qui resta près du voyageur malgré l’abandon de ses hommes. Quelques-uns des indigènes baptisés étaient aussi revenus sur leurs pas. Livingstone continua d’aller en avant avec le reste des Africains, les Johannais et le havildar. Le pays où il se trouvait alors jouit d’un climat frais. Les habitants, riches en bétail et gouvernés par des chefs puissants, vivent dans des villages disséminés.

« Il gagna ainsi la côte orientale du Nyassa, à un endroit où le lac, à ce qu’il semble, est étroit, et, ce qui est plus étonnant, peu profond ; mais il faut prendre les récits des indigènes pour ce qu’ils peuvent valoir. Les survivants s’accordent généralement à rapporter qu’ils passèrent l’eau dans des canots manœuvrés au moyen de grands bambous, et qu’embarqués le matin ils étaient tous sur l’autre bord à mini. Les rives du lac, des deux côtés, étaient plates, mais on apercevait des montagnes à l’horizon du côté du sud. L’endroit dont il s’agit doit être, je pense, un peu au nord du point ou j’ai marqué l’extrémité du lac dans la carte que j’ai communiquée à la Société de géographie de Londres et qui a été publiée au tome XXXV de son journal. Nous savons que le premier objet de Livingstone était de déterminer les limites du Nyassa du côté du nord. Or, il a dû être fixé tout d’abord sur ce point, car autrement il est hors de doute qu’il aurait pris des canots et remonté le lac. Certainement il n’aurait pas tourné le dos à cet objet essentiel de son expédition pour s’avancer dans ce qu’il savait très-bien être une région dangereuse, et aller à la rencontre, ou du moins en courir la chance, de ces sauvages qui déjà une fois lui avaient fermé la route.

« Mon impression est donc qu’il s’était assuré que