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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/421

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qui s’étendent entre le Vaal et le Zambézi. Ce sont là autant de conquêtes pour la géographie africaine ; cette vaste étendue de territoires n’est connue jusqu’à présent que par d’assez vagues rapports. M. Maucb a fait avec soin le relevé de ses routes, et il les a pointées sur une carte qu’il vient de faire parvenir à Gotha. M. Petermann revoit ces tracés du voyageur, et il en construit une carte qui va être publiée prochainement dans les Mittheilungen.


VI

Nous avons dit dans notre dernière revue quels antécédents ont préparé l’expédition de notre compatriote Le Saint, que la Société de géographie de Paris, aidée par une souscription publique, envoie à la recherche de la vraie source du Nil. Parti de Paris le 8 janvier, M. Le Saint prenait pied le 16 à Alexandrie, et après quelques semaines de séjour au Caire il s’embarquait à Suez dans les derniers jours de février pour descendre la mer Rouge. Les dernières nouvelles sont de Souâkïn, au milieu de mars ; le voyageur comptait arriver à Khartoum au milieu d’avril. Ses premières lettres promettent beaucoup pour l’avenir ; elles ont dépassé l’attente même de ses meilleurs amis. Elles offrent des qualités de style, des facultés d’observation et une résolution de conduite extrêmement remarquables ; si le plan tracé se réalise, comme nous en avons pleine confiance, ces premières communications présagent à la science une relation qui prendra rang parmi les plus remarquables et les plus importantes.

Le plan de M. Le Saint, après avoir terminé ses préparatifs à Khartoum, est de remonter le fleuve Blanc à l’époque convenable et de se porter directement sur la partie nord du M’voutan-Nzighé ou Albert Nyanza, ce grand réservoir du Nil signalé par Speke et dont M. Baker n’a pu faire, en 1864, qu’une reconnaissance partielle. Placé ainsi, du premier pas, au seuil de l’inconnu et des grandes découvertes, le voyageur, avant de s’engager dans la région élevée où se cache encore la tête du fleuve d’Égypte, compléterait la belle exploration de M. Baker, qui a si bien mérité la grande médaille d’or que la Société de géographie lui a décernée dans sa réunion publique du 12 mai dernier.


VII

La solennité à laquelle nous venons de faire allusion laissera un long souvenir chez ceux qui y ont assisté. M. Baker en personne était venu recevoir la médaille des mains du président, auquel il a répondu par une allocution bien sentie et pleine de courtoisie pour la France, la patrie commune de tous ceux qui aiment et servent la science. Mais ce qui a surtout provoqué les applaudissements chaleureux de l’auditoire, c’est la présence de Mme Baker, la belle et courageuse compagne du voyageur dont elle a secondé l’entreprise avec une rare énergie, et qui méritait bien, le voyage accompli, de partager l’honneur du succès comme elle en a partagé les périls.

Dans son discours d’ouverture de la séance, le président de la Société, M. le marquis de Chasseloup-Laubat, a eu occasion de donner des informations authentiques, que sa position de ministre de la marine lui a permis de recevoir, sur la Commission française que le gouverneur de notre établissement de Cochinchine a chargée d’explorer le grand fleuve du Kambodj jusque dans sa partie supérieure. La vaste presqu’île indochinoise, dont la Cochinchine française occupe l’angle sud-est, est encore une des contrées les moins connues de l’Asie ; elle a de vastes parties où les Européens n’ont jamais pénétré, et il n’est pas un seul des pays que comprend la Péninsule (notre colonie de Cochinchine seule exceptée) dont on ait une carte passable. Il y a là un immense champ d’études pour les explorateurs, et déjà notre présence à Saïgon donne une première impulsion à ces travaux de recherche. Notre position nous livre l’exploration scientifique des parties orientales de la Péninsule, comme la position des Anglais dans le Pégou leur réserve les parties occidentales. L’expédition du Mé-kong ou fleuve du Kambodj, comme la plupart des explorations dont les gouvernements ont l’initiative, a été inspirée, sans doute, par une pensée d’intérêt politique et commercial en même temps que d’intérêt scientifique ; mais le côté pratique de ces grandes investigations soutient plutôt qu’il n’entrave les intérêts de la science.

Le Mé-kong, que l’on croit venir du Tibet, mais dont les sources Sont encore inconnues, traverse le-sud-ouest de la Chine et d’immenses étendues de pays inexplorés, avant d’atteindre le royaume de Kambodj dont il prend le nom, et plus bas encore la limite occidentale de notre colonie dont il forme en partie la frontière. C’est la principale, ou pour mieux dire la seule artère commerciale des contrées intérieures, dont les produits, aujourd’hui peu importants, sont susceptibles d’une grande extension. Une partie considérable du haut pays qu’arrose le Mé-kong, entre le Kambodj et la frontière chinoise, forme le Laos, grande contrée que l’on ne connaît guère que de nom, et qui possède de riches produits naturels en même temps qu’une certaine industrie. Une partie du Laos dépend (un peu nominalement) du Barmâ ou empire Birman ; une autre partie relève du royaume de Siam : le reste est indépendant. Il y a là des études à faire du plus grand intérêt pour la géographie et l’ethnographie ; par le sang et la langue, la nation du Laos est la race mère des Siamois. La Commission française se porte dans cette direction.

Les nouvelles transmises au ministère la laissent dans les parties intermédiaires qui se trouvent à peu près à mi-chemin entre la Cochinchine française et le Laos. Sauf les rapports de quelques-uns de nos missionnaires, qui ont en vue un autre but que les investigations scientifiques, on n’avait jusqu’à présent aucune information sur cette région intérieure. Elle n’est habitée que par des tribus incivilisées ; mais elle possède sur plusieurs points de riches mines de fer et d’autres métaux. Aux quelques détails tirés des rapports de M. Lagrée, chef