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Page:Le Tour du monde - 16.djvu/13

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de cuisine, et une mesure de chandelle. » Cette chapelle Saint-Saturnin, consacrée par le célèbre Thomas Becket, alors réfugié en France pour échapper aux persécutions du roi d’Angleterre, a été restaurée à diverses époques, et la dernière fois en 1834. Les vitraux, représentant saint Philippe et sainte Amélie, ont été dessinés par la princesse Marie d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe.

Aux temps féodaux la chasse était le principal plaisir des rois et des nobles. Sous ce rapport Fontainebleau, à cause du voisinage de la forêt, était une résidence favorite pour les rois de France, qui presque tous se sont livrés à ce déduit avec un goût passionné. Saint Louis poursuivant un jour (22 janvier 1264) un cerf dans la forêt, perdit sa suite et tomba dans une troupe de brigands ; il sonna d’un petit cor qu’il tenait suspendu au cou et put être secouru à temps. On éleva, en souvenir de cet événement, sur un monticule qui porte encore le nom de butte Saint-Louis, une chapelle qui fut détruite en 1701, parce que plusieurs ermites y avaient été assassinés. — En 1314 Philippe le Bel mourut à Fontainebleau des suites d’une chute de cheval qu’il avait faite en poursuivant un sanglier. — Les bêtes noires et rousses, entretenues pour les chasses royales, causant des dommages dans les champs cultivés autour de la forêt, François Ier affranchit, en 1531, des tailles et impôts les manants de Samois, Fontainebleau et lieux circonvoisins. — Parfois la journée entière était employée aux exercices de la chasse : « Le même jour, dit Sully en parlant de Henri IV, Sa Majesté, après avoir chassé à l’oiseau, fit une chasse au loup, et finit la journée par une troisième chasse au cerf, qui dura jusqu’à la nuit, malgré une pluie de trois ou quatre heures. On était alors à six lieues du gîte. Le roi arriva un peu fatigué. Voilà ce que les princes appellent s’amuser ; il ne faut disputer ni des goûts ni des plaisirs. »

Pendant quelque temps la royauté déserte Fontainebleau. Louis XI se renferme à Plessis-les-Tours ; Charles VII fait embellir le château d’Amboise, où il était né et où il mourut ; Louis XII séjourne au château de Blois. « Mais voici venir la plus glorieuse époque de l’histoire de Fontainebleau, le règne de François Ier. Le manoir féodal va faire place à un palais. » Le souffle de la Renaissance, qui, déjà, sous le règne précédent, avait transformé l’art ogival, va animer l’intérieur de ce palais de riantes et capricieuses créations, dues la plupart au génie d’artistes Italiens. « Aux graves compagnons de saint Louis, aux rudes guerriers bardés de fer du moyen âge, vont succéder les peintres et les sculpteurs de l’Italie, les poëtes et les savants. Une armée de courtisans vêtus de soie et brodés d’or, et la troupe légère des jolies châtelaines, quittent leurs vieux donjons et leurs provinces pour cette cour enchantée d’un prince qui avait dit : « Une cour sans femmes est une année sans printemps et un printemps sans roses. »

François Ier et Henri IV sont les deux souverains qui ont le plus fait pour l’agrandissement et les embellissements de cette résidence. Les dépenses faites par François Ier de 1528 à 1547, époque de sa mort, montent suivant les relevés obtenus par M. Champollion Figeac aux Archives, à une valeur de deux millions 550 000 francs. Sully évalue à deux millions 500 000 livres les dépenses de construction, restauration et décoration exécutées par ordre de Henri IV.

François Ier élevait à la même époque les châteaux de Saint-Germain en Laye, de Madrid, de la Muette, de Villers-Cotteret, et le féerique Chambord, avec ses tourelles, ses aériennes campaniles, œuvre merveilleuse qui a été faussement attribuée à Primatice, et qui restera anonyme par suite de notre longue insouciance pour nos artistes nationaux ; bien que d’après des recherches récentes on ait cru devoir la restituer à un architecte né à Blois et nommé Pierre Nepveu.

Il y a lieu de s’étonner qu’à Fontainebleau l’engouement qui régnait alors pour l’art Italien n’ait presque point laissé de traces à l’extérieur du palais. Serlio entra au service de François Ier en 1541, et fut nommé par lui surintendant des bâtiments de la couronne. Héritier des dessins de Balthazar Peruzzi, le maître en exquise élégance, Serlio était plus habile en théorie qu’en pratique. Il eut la générosité, lorsqu’il s’agit de décorer le Louvre, de préférer les projets de Pierre Lescot aux siens. S’effaça-t-il de même à Fontainebleau ? On serait tenté de soupçonner qu’il en fut ainsi. Mais il dut céder à des exigences difficiles à apprécier aujourd’hui ; car il se plaint lui-même, dans ses écrits, qu’on n’ait pas adopté pour la galerie des fêtes (galerie de Henri II) le projet qu’il avait conçu d’une galerie largement ouverte, d’une loggia italienne. (Elle eût été sans doute dessinée avec goût, mais elle était moins judicieusement adaptée au climat de la France.) « Moi qui étais là, et qui y habitais continuellement, pensionné par le magnifique roi François Ier, on ne m’a pas même demandé le moindre conseil. » Ce fut un maçon français (muratore) qui éleva cette façade, la seule originale dans cette mosaïque de bâtisses. Serlio en parle avec dédain : « Je ne saurais dire à quel ordre appartient cette architecture. » Le maçon français avait opéré en dehors des règles de Vitruve. L’ignorant !

L’invasion italienne, si elle est à peine sensible à l’extérieur du palais, va triompher à l’intérieur. La grande nouveauté de l’époque, le titre le plus glorieux de François Ier c’est que, sous son impulsion, les arts viennent faire cortége à la royauté. Toute une colonie d’artistes italiens s’installe à Fontainebleau ; malheureusement cette colonie ne se composait que d’artistes de second ordre. « Dans les arts, comme dans la politique, François Ier devait être vaincu par son heureux rival, Charles-Quint, dont la domination s’établit dans cette Italie, à travers laquelle la France ne faisait que courir des aventures. » Il écrit vainement à Michel-Ange pour lui demander un ds ses ouvrages. Il appelle Léonard de Vinci en France ; mais celui-ci n’y vient que pour mourir ; il nous laisse au moins un admirable chef-d’œuvre, la Joconde. Raphaël, qui avait peint pour François Ier plusieurs de ses chefs-d’œuvre, était mort depuis vingt