festin que la fatigue nous avait fait accepter sans protestation,
nous nous reposions dans le patio de l’auberge
en regardant monter vers le bleu du ciel la fumée de
notre cigarette ; arrive un aveugle qui commence à gratter
sur sa vieille guitare son répertoire de Jotas et de
Seguidillas. Presque aussitôt parurent les filles de l’auberge ;
où avaient-elles trouvé des castagnettes ? Ce
point resta pour nous un mystère ; toujours est-il qu’au
bout d’une minute ou deux elles commençaient à se
dresser sur les hanches avec ce mouvement particulier
aux Espagnoles, et sans se préoccuper de l’absence des
danseurs. Mais ces derniers ne se firent pas longtemps
La conchita, danseuse ambulante (Séville). — Dessin de Gustave Doré.
attendre et le ballet devint général, sans autre orchestre
que la guitare du ciego et les tambours de basque des
danseurs, alternant avec les castagnettes des muchachas.
Au bout de quelque temps la fête devint tellement animée qu’il nous fut impossible de rester en place ; la danse nous attirait invinciblement dans son cercle vertigineux, et bientôt, les castagnettes fixées aux pouces, suivant les règles de l’art, nous nous mêlions aux groupes enthousiastes.
C’est une danse de ce genre que Doré a représentée de son crayon fougueux. Il fallait un improvisateur comme lui pour représenter avec tant de vérité et d’entrain une danse improvisée.
(La suite à la prochaine livraison.)