perstitions indoues, pour amener des hommes, naturellement paresseux, à exécuter un travail aussi gigantesque et dont fort peu approchent parmi ceux de l’antiquité ou des temps modernes.
Chillambaran, comme tous les centres de la dévotion
brahmanique, a ses processions solennelles. Ici elles
ont lieu la nuit plutôt que le jour, et je n’ai rien vu de
plus scénique, de plus artistique, que celles qui se promènent
ainsi sous les cocotiers des rues de Pondichéry.
Dans l’une d’elles la divinité trônait sur un échafaudage
de sept ou huit mètres, entièrement jonché de fleurs de
jasmin, dont le blanc, éclairé par les torches et les lampions
se détachait sur le fond obscur du ciel ou des arbres.
Vingt ou trente hommes portaient sur leurs épaules
cette sorte de châsse. Ils étaient précédés de quatre éléphants
dominant la foule sur laquelle ils secouaient
leur trompe et leurs oreilles. Venaient ensuite des brancards
en treillage supportant des vases dans lesquels
brûlait de l’écorce de cocotier, dont la flamme étincelante
et inégale éclairait le dessous des arbres et changeait
à chaque instant l’aspect des lieux environnants ;
d’autres hommes avaient, au bout d’un long bâton,
Chillambaran : Galerie et sanctuaire (voy. p. 46). — Dessin de H. Clerget.
des torches de même matière ou de coton imbibé d’huile
de coco. La foule, accourue de toutes paris, se pressait
sans ordre ni décence ; mais, avec ses vêtements blancs
ou de couleurs brillantes, elle formait, sous les jets de
lumière des torches, les groupes les plus pittoresques.
Les cocotiers qui dominaient cet ensemble, éclairés par-dessous,
offraient des variétés infinies de formes et de
nuances dans les dispositions de leurs élégantes feuilles
recourbées en panaches. J’ai vu peu de spectacles plus
saisissants et plus féeriques. J’ai regretté souvent que
les habiles artistes décorateurs de nos théâtres, ne puissent
avoir une idée de cet ensemble pour le reproduire
sous nos yeux. Certes, si nos grandes scènes venaient
à emprunter quelques sujets à l’Inde antique ou moderne,
un voyage spécial pour étudier ces fêtes nocturnes
vaudrait la peine d’être fait. Mais entraîné par
le souvenir qui m’en est resté, j’oublie que conter ce
qui a jadis excité l’intérêt le plus vif, produit rarement
le même effet sur celui qui ne peut en juger
que par un récit incomplet.