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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/12

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qui nous arriva plusieurs fois pendant cette journée. Lorsque cet accident se produit, le mieux est d’arrêter immédiatement la caravane entière, car généralement il réclame un temps assez long, et lorsqu’on a peu d’hommes, les difficultés se compliquent. Pendant ces temps d’arrêt il arrive souvent que d’autres animaux mal chargés, trop ou trop peu, profitent de l’occasion pour se débarrasser de leurs fardeaux ou pour se coucher, et la marche est alors entravée pendant une heure. Peu à peu les hommes s’habituent, ils sanglent les bâts, balancent mieux les charges, brutalisent moins les animaux, qui n’en marchent que mieux, et, ainsi que je l’ai constaté, on arrive à faire de longues marches sans le plus petit arrêt.


Les chutes du Félou. — Dessin de Tournois d’après l’album de M Mage.

Dans toutes ces occasions, il faut, je le répète, s’armer d’une patience à toute épreuve, d’un calme imperturbable. Les noirs se disputent, laissez-les faire, ils en viennent rarement aux coups ; la langue est leur arme favorite, mais aussi comme elle travaille !

Malheureusement la patience et le calme n’étaient pas mon fort, et pendant les premiers jours je dépensai une telle somme d’irritation que je ne tardai pas à m’en ressentir. Des les premiers pas, il se manifesta entre mes hommes des symptômes de jalousie et de désaccord qui, bien des fois par la suite, me créèrent des embarras et des ennuis. Les choses en vinrent à tel point que je fus obligé d’intervenir pour empêcher les voies de fait, et il advint plus d’une fois à mon intervention d’arriver trop tard. J’avais, en effet, avec moi des hommes d’élite, de grades différents, faisant tous le même service : ceux habitués au commandement étaient disposés à se faire servir par les autres, qui ayant une tâche personnelle égale à la leur, les recevaient fort mal. Puis, quelque jalousie, quelque médisance survenant, la discorde ne tarda pas à être dans mon équipage.

Je ne sais plus que politique a dit : « Divisez pour régner. » Cela peut être vrai, et avec des hommes capables de trahison, j’aurais eu à m’applaudir de ces dissensions ; mais dans le personnel de mon escorte, elles ne pouvaient que me causer des difficultés continuelles.

Lorsque je quittai Médine, Sambala, roi de Khasso, venait d’expédier une armée dans le pays. Suivant l’habitude des noirs, on avait fait grand mystère du but de cette campagne ; mais, au moment de partir, j’avais à m’en préoccuper et j’avais fait tous mes efforts près de Diogou Sambala (cousin du roi) pour savoir de quel côté on se dirigerait. Il avait d’abord opposé à mes questions son ignorance ; mais sur mes instances réitérées, il finit par me dire sous le sceau du secret qu’on allait dans le Dentilia. Ce renseignement était-il fondé ou n’était-il que la suite d’une duplicité bien commune chez les noirs et dont ils ne se montrent pas honteux quand on vient à les