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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/144

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Son rapport étant favorable, M. Dodge fut chargé de nous ramener le corps de Sonntag ; il prit les deux attelages que conduisaient Hans et Kalutunah.

M. Dodge s’acquitta de sa mission avec énergie et habileté. Ils ne mirent que cinq heures à atteindre Sorfalik et trouvèrent facilement le lieu qu’ils cherchaient, Hans se rappelant un haut rocher ou plutôt une falaise au pied de laquelle reposait la hutte funéraire. Mais celle-ci était profondément enfouie sous les monceaux de neige accumulés par le vent. Il leur fallut creuser péniblement et longtemps dans la masse durcie ; la nuit était tombée et ils se sentaient très-fatigués ; ils se firent à la hâte un abri de neige, donnèrent à manger aux chiens, et quoique le thermomètre marquât 42° cent. au-dessous de zéro, ils dormirent dans leurs fourrures sans inconvénient grave. C’était la première fois que M. Dodge campait ainsi sur la neige, et il fut justement fier du succès de cette expérience. Vingt-quatre heures après il rentra à bord avec son funèbre et précieux colis.

Le corps de notre camarade fut déposé dans l’observatoire où, peu de semaines auparavant, sa haute intelligence s’appliquait à ces études qui faisaient la joie de son existence ; le pavillon fut hissé à mi-mât sur la hampe qui surmontait le bâtiment.


Le tombeau de Sonntag. — Dessin de Jules Noël d’après la docteur Hayes.

Les préparatifs des funérailles furent faits avec toute la solennité requise. Un cercueil préparé par les soins de Mac Cormick, reçut la dépouille de notre ami ; on le couvrit du drapeau national, et le surlendemain de l’arrivée de Dodge, quatre de ses compagnons en deuil, suivis de tout l’équipage, le portaient à la fosse creusée à grand-peine dans la terrasse glacée. On le descendit dans sa dernière et froide demeure ; je lus le service funèbre, puis la fosse fut refermée. Cette inscription :

AUGUSTE SONNTAG
MORT EN DÉCEMBRE 1860, ÂGÉ DE 28 ANS,

fut plus tard gravée par nous sur une stèle ou dalle polie, fixée à la tête du rectangle de pierres brutes qui forme son monument.

C’est là, dans le lugubre isolement du désert polaire, que notre camarade dort de ce long sommeil qui ne sera plus interrompu dans ce monde troublé ! Jamais des mains amies ne viendront couvrir de fleurs sa tombe lointaine ; jamais ne la contempleront des yeux affaiblis par le chagrin ; mais les douces étoiles qu’il a tant aimées pendant sa vie veilleront éternellement sur lui ; les vents berceront son repos et la grande nature étendra sur sa couche un pli de son manteau de neige.

Pour extrait et traduction,
F. de Lanoye.

(La fin à la prochaine livraison.)