à une rivière bourbeuse. Devais-je m’en étonner ? N’en est-il pas de même partout ailleurs dans notre empire ?
À ce propos je me permettrai une digression sur ce sujet important. Non-seulement au Caucase, mais encore dans toute la Russie, les voies de communication sont en très mauvais état. Dieu sait quand elles furent frayées ! Elles ne sont jamais réparées, à moins qu’un très-haut personnage ne doive y passer. Les paysans des alentours se réunissent alors pour combler les trous et les endroits fangeux avec des broussailles, et enlever les monceaux d’ordures qu’on laisse fouler d’ordinaire aux simples mortels. Dans la sainte Russie on a établi, est vrai, quelques chaussées : par exemple sur les routes vers le Caucase, entre Moscou et Voronej ; mais ces chaussées, fort mal entretenues, deviennent quelquefois plus mauvaises et plus impraticables que les routes ordinaires.
Ajoutez, et j’en parle en témoin oculaire, que des trains de lourdes voitures qui transportent les vivres de l’armée, les sillonnent continuellement et y creusent de profondes ornières.
Grec mendiant.
Il est souvent impossible et même dangereux d’aller autrement qu’au pas, à moins de courir le risque de verser à chaque instant. Je me souviens que cet inconvénient fut cause que nous mîmes deux et trois fois plus de temps qu’il n’en faut d’habitude pour atteindre les diverses stations. Lorsque je m’étonnais de toutes les précautions qu’on prenait, et que je me plaignais de tant de lenteur, les isvoschticks, conservant leur sang-froid, me répondaient avec calme : « C’est bon, tu arriveras aussi bien au pas ; plus lentement tu vas, plus loin tu atteindras ! »
Les maisons des stations sont pauvrement entretenues.
On assigne aux voyageurs une, deux ou trois chambres de moyenne grandeur, garnies de lits en mauvais état et fort durs. Ces inconvénients ont pour toute compensation les règlements des postes accrochés aux murailles.
La route militaire de la Géorgie fait seule exception ; j’aurai l’occasion d’en parler plus tard, non pas que les règlements imprimés y fassent défaut, mais parce que la route et les relais de poste n’y laissent rien à désirer.
Pour donner une idée complète des ennuis inséparables d’un voyage à travers la sainte Russie, il ne faut point omettre les relations avec les inspecteurs des stations postales. Ils sont pour la plupart très-grossiers, mais peut-être ce défaut a-t-il son excuse dans leur passé. Il n’y a pas encore longtemps en effet qu’ils