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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/269

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la Plate du nord, dans une plaine ondulée (rolling prairie), et ce ne fut que peu de temps avant de mettre pied à terre que nous saluâmes le drapeau de l’Union, semé d’étoiles et de barres, stars and stripes. Il flottait au bout d’une longue hampe sur une éminence au milieu du fort, et la vue des couleurs nationales réjouit le cœur des Américains, qui retrouvaient en elles la patrie au cœur même du grand désert.


III

LE FORT LARAMIE


Le traitant Laramie. — Vue du fort. — Veranda, chalet, baraques et corral. — Hôtel et buvette. — Officiers et soldats. — Le maître coq Macaron. — Les bluffs de la Plate du Nord. — Le pic Laramie. — Les montagnes Noires. — Ancienne route.

Le fort où nous venions d’arriver est l’un des principaux postes militaires de l’ouest. Il a été bâti, il y a une trentaine d’années, sur l’emplacement même d’un poste de traitants qui y faisaient, pour une grande maison de Saint-Louis, les Chouteau, le commerce des fourrures avec les Indiens. Laramie ou Laramée, qui a donné son nom au fort et à la localité, était un chasseur canadien qui fut tué à cette place par les Sioux, pendant qu’il tendait ses trappes au castor. Ce fait eut
Le Loup, Indien de la tribu des Yutes. — Dessin de Janet Lange d’après une photographie.
lieu vers 1830, et les blancs en perpétuèrent le souvenir en unissant le nom de Laramie à la géographie du pays. La rivière qui passe au fort et va se joindre à la Plate du nord, le piton élevé qui, à quelques milles de là, jalonne la ligne de faîte des montagnes Rocheuses, les plaines au delà de ce piton, ont reçu, comme le fort lui-même, le nom de Laramie. Bien des voyageurs, trop oubliés dans les baptêmes géographiques, ont été moins heureux que le pauvre chasseur.

Vu de la route que nous avions suivie, le fort ressemble plutôt à une ville hispano-américaine qu’à un poste militaire des États-Unis. Les casernes, les magasins, les bureaux, les logements des officiers, tout est construit en maçonnerie et badigeonné à la chaux. Sur un des côtés de la grande place des manœuvres est la résidence du général commandant le fort. Avec sa veranda ou galerie extérieure couverte, à deux étages, on la prendrait pour un hôtel de Panama ou de l’Amérique centrale. Non loin est une maison d’un style encore plus étrange pour ces pays, une sorte de chalet suisse, que le sutler ou fournisseur du poste s’est bâtie de ses propres deniers. L’élégance de cette habitation fait honte à la mesquine apparence de la cantine, sombre et basse. À côté du chalet s’élève le seul arbre qu’on voie autour du fort. Les nouvelles baraques ou casernes des soldats, les nouveaux magasins sont construits en bois.

Le long de la rivière Laramie, et en descendant le cours de l’eau, est le corral, vaste emplacement quadrangulaire fermé d’une haie. C’est là que l’on serre les foins et que l’on parque les mules. Les angles du corral sont chacun défendus, du côté opposé à la rivière, par une batterie octogone en adobe ou pisé (briques cuites au soleil). Ces batteries ont été édifiées, à l’origine, pour résister aux incursions des Indiens, qui commencent avant tout, quand ils surprennent les convois d’émigrants ou les postes militaires, par faire main-basse sur les mules et les che-