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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/272

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aux Indiens nomades qui traversent cette contrée. Le pic est aligné sur la direction des montagnes Rocheuses, dont il forme le prolongement et comme le dernier piton vers le nord. Il est élevé de douze cents mètres au-dessus du niveau du terrain environnant et on l’aperçoit de très-loin, de plus de soixante et quatre-vingts milles. L’air de la Prairie est si pur, si transparent, si sec, que la vue du pic est encore claire à cette énorme distance. Il dresse fièrement sa masse bleue au-dessus du plan de l’horizon, et l’œil se repose avec plaisir sur ce piton de roches massives, le seul qu’on aperçoive en parcourant le pays. Plus au sud viennent les montagnes Noires, les Black-Hills, fertiles en bois résineux, en pins, en cèdres, en sapins, et sillonnées, dit-on, de veines métallifères très-riches. Enfin, dans le territoire de Colorado, qu’ils jalonnent sur tout un méridien, sont les fameux pics de Long et de Pike, points culminants des montagnes Rocheuses, et qui portent jusqu’à cinq mille mètres de hauteur leurs cimes ardues et neigeuses, saluées par tous les émigrants des Prairies.

Le chemin qui mène du fort au pic Laramie était naguère très-fréquenté. C’est par là que passaient les Mormons pour se rendre dans le Yutah, à leur capitale du lac Salé ; c’est par là aussi qu’arrivaient les émigrants qui, par terre, à pied ou en charrette, se rendaient en Californie. Ce chemin était encore parcouru
Vue des lacs Jumeaux (sources de l’Arkansas) (voy. p. 258). — Dessin de Sabatier d’après une photographie.
par la fameuse diligence transcontinentale, l’Overland-Mail, qui de Sacramento allait à-Saint-Louis ou Memphis, et vice versâ, en moins de trois semaines, partant et arrivant à heure fixe, tous les jours. Aujourd’hui la fièvre de l’or s’est éteinte, au moins dans l’Eldorado, et bien peu d’émigrants sont assez pauvres pour aller en Californie par les plaines ; les Mormons ont vu leurs caisses se remplir et prennent le chemin de fer du Pacifique ; enfin la diligence transcontinentale elle-même a dû déplacer ses stations et les déplace encore chaque jour devant les étonnants progrès de la civilisation du Far-West. La voie ferrée lui fait d’ailleurs perdre de plus en plus du terrain. Dans trois ans, on le sait, la malle overland n’existera plus, et un double ruban de fer unira les deux océans, l’Atlantique et le Pacifique. Le fort Laramie aura été le premier atteint par cette marche incessante du progrès. La découverte des mines d’or dans les montagnes Rocheuses et les développements rapides du territoire de Colorado ont reporté plus au sud tout le mouvement des plaines. La seule chose qui reste à Laramie et qui rappelle encore la civilisation au milieu du désert, c’est le télégraphe électrique.

L. Simonin.

(La fin à la prochaine livraison.)