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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/33

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Vue de la montagne de Kita. — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.


VOYAGE DANS LE SOUDAN OCCIDENTAL
SÉNÉGAMBIE — NIGER).


PAR M. MAGE, LIEUTENANT DE VAISSEAU[1].


1863-1866. TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


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Arrivée au Bakhoy. — La montagne Makandianbougou. — Productions. — Cultures. — Musique. — Huit jours d’arrêt. — Le Bélédougou et le Manding sont révoltés. — Impossibilité de marcher vers l’est. — Marche au nord à travers le Foula Dougou. — Le Bakhoy no 2. — Le Ba-Oulé. — Les esclaves enchaînés en route. — Arrivée au Kaarta.

Le 15 janvier j’arrivai au Bakhoy, dans un endroit où ses eaux se brisaient avec violence sur un banc de roches qui formait un gué naturel. Ce passage fut difficile ; les roches y sont glissantes, plusieurs hommes tombèrent avec les charges. Nous perdîmes un sac de sel qui représentait pour nous une grande valeur. Les animaux, surtout les ânes, regimbaient ; cela me rappelait les scènes décrites par Mongo-Park ; et en présence des difficultés que je rencontrais, je me reportais à l’époque où ce grand voyageur traversait ce même cours d’eau, à quelques lieues plus bas que moi, au village de Médina ou Gamfaragué, et je pensais que rien n’était exagéré dans son récit. De loin ces choses-là ont l’air toutes simples. Passer un fleuve sur un gué, quelle plaisanterie ! Mais en pratique c’est bien différent : tout devient obstacle au port des bagages, et quand on n’a emporté que le strict nécessaire, moins même, toute perte est un désastre. On tombe, on se blesse, et pendant huit jours voilà un homme qui ne peut plus marcher à pied ; il faut le mettre sur un âne, qu’on surcharge, et qui bientôt vous manque à son tour. On est en transpiration, on tombe dans l’eau, et voilà une pleurésie, une fluxion de poitrine, que sais-je ?

Nos provisions de viande séchée étaient épuisées ; je me décidai à abattre un bœuf ; mais pour n’être pas tourmenté de demandes, je voulus faire cela dans les broussailles. En effet, dans ce pays il n’y a plus de bestiaux ; la seule viande que l’on mange est le produit de la chasse, qui, du reste, fournit en assez grande quantité des cobas et des gazelles. Si j’avais tué un bœuf dans un village, il m’eût fallu en donner au chef, aux griots, aux forgerons, et la moitié de l’animal eût été gas-

  1. Suite. — Voy. pages 1 et 17.