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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/378

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Si nous montons dans la classe supérieure, voici les églises Stationnales, en faveur desquelles l’ancienneté établit une sorte de noblesse. Elles sont bâties sur l’emplacement de la maison, de la sépulture d’un saint, ou du lieu d’exécution d’un martyr. Les chrétiens des âges persécutés allaient faire leurs prières à ces lieux consacrés par la tradition, et lorsque des églises ont remplacé les modestes sacella, elles sont restées affectées à des stations solennelles qui s’observent encore en temps de jubilé.

Au-dessus de ces églises s’offrent les églises Cardinalistes. Dans l’origine, les cardinaux (mot équivalent à principaux) furent les prêtres préposés au clergé de chaque église pourvue d’un titre fixe par le pape Évariste, lorsqu’il distribua Rome par quartiers paroissiaux au début du second siècle. On attribua la même dignité aux sept diacres chargés de l’administration des aumônes ainsi que du bien des pauvres, nombre qui fut doublé par saint Grégoire et augmenté depuis. Enfin, les six évêques suburbicaires dont les chefs-lieux diocésains confinent aux portes de Rome eurent aussi le titre de cardinaux. De là ces trois ordres : cardinaux-évêques, cardinaux-prêtres, cardinaux-diacres. On compte à présent cinquante et une églises Cardinalistes pour les prêtres ou évêques, et quinze pour les cardinaux-diacres.

Chaque cardinal porte le titre de l’église à laquelle il est uni ; il est tenu de pourvoir à ses besoins spirituels et matériels, obligation formulée au cinquième concile de Latran et que rappelle Sixte-Quint dans une bulle où il recommande aux princes-titulaires l’ornementation, l’architecture et le personnel de ces fondations. Les cardinaux étrangers, quand ils viennent à Rome, sont logés de droit dans les dépendances de leur église ; elle leur appartient et doit porter quelque marque de cette inféodation.

En continuant à remonter la hiérarchie, nous arrivons enfin aux Basiliques, qui sont les dignitaires de cette nation de temples.

Un des archontes d’Athènes, qui portait le titre de βασιλεύς ou roi, rendait la justice sous un portique nommé par ce motif basilique, titre qu’en d’autres contrées de la Grèce et de l’Asie on donnait aux maisons royales. Caton le Censeur, qui déclama beaucoup contre les arts et contre les usages des Grecs, leur emprunta cependant leurs palais de justice et c’est lui qui, environ cent quatre-vingt-dix ans avant notre ère, a élevé dans Rome la première basilique. Depuis lors elles s’y sont multipliées.

Ainsi dans l’origine la basilique est un édifice civil : sous les empereurs, où les magistrats siégeaient par délégation du souverain, cette qualification de leurs tribunaux répondait juste à une institution monarchique. Mais comme la langue grecque était alors en faveur, les résidences mêmes des souverains furent également qualifiées de basiliques ; c’est ce qui eut lieu pour le Palais, pour la Regia ou Basilique de Latran, qui légua sa dénomination à la première église que, dans cette résidence impériale, Constantin ait fait construire.

Ce n’est pas uniquement pour cette raison, et par conformité à ce précédent, que nombre d’autres églises de Rome ont porté jadis le titre de basiliques.

Rappelons-nous que les édifices ainsi désignés étaient surtout des prétoires où l’on arbitrait les procédures commerciales, les démêlés entre trafiquants, et que les marchands étaient en outre investis du droit de s’y réunir pour s’entendre sur les intérêts communs. L’inscription Bourse et Tribunal de commerce donnait chez nous récemment encore l’exacte définition de ces basiliques.

On trouvait là une grande salle, à deux et trois nefs quelquefois. Séparés du temple par un septum ou barrière, les juges étaient rangés sur des gradins circulaires à l’hémicycle de la principale travée, autour du président, qui occupait le centre marqué par une stalle ou chaise d’honneur à grand dossier, cathedra. C’est à cette origine que remonte, pour désigner le siége de l’évêque, le mot tribuna créé par la basse latinité à côté de l’ancienne expression tribunal : la place affectée au tribun ou magistrat. Un portique, des galeries à colonnes précédaient et entouraient la basilique, assimilable à un forum particulier rattaché à un établissement judiciaire.

Un édifice de ce genre peut servir à bien des usages. Comme le lieu n’avait rien de sacramentel, on l’utilisait pour tenir des assemblées, pour haranguer le peuple, et même pour professer. C’est ainsi que les apôtres, que leurs disciples après eux, ont exposé les doctrines du Christ dans les basiliques ou tribunaux, et il est advenu souvent qu’ils y ont été ramenés pour confesser à la barre des juges les vérités par eux annoncées au peuple. De là ce nom de Confession qu’a retenu dans des anciennes églises l’endroit où dans des basiliques semblables comparaissait l’accusé, pour déclarer sa foi. C’est là qu’on a gardé l’usage de poser le maître-autel, en s’efforçant de lui donner pour base la sépulture même d’un martyr afin que ses restes témoignassent encore. Observons que ces basiliques étaient nombreuses ; on en comptait plus de quarante, lorsqu’un édit de Dioclétien défendit d’en créer de nouvelles.

Cet édit est important ; car il va nous aider à concevoir comment sous les successeurs de Constantin tant d’églises ont pu s’approprier le titre de Basiliques et en jouer véritablement le rôle.

C’est Théodose qui a érigé le catholicisme en institution judiciaire et qui l’a politiquement constitué en religion de l’État. Sous son règne, les évêques obtiennent des droits de juridiction bientôt étendus des clercs aux fidèles. En 408, sous Honorius, une loi exclut de l’armée ainsi que des emplois les païens et les hérétiques ; la même année, après l’assassinat de Stilicon, une autre loi étend la juridiction des évêques ; six jours après, une troisième loi prescrit la démolition des temples et enjoint de substituer l’action ecclésiastique à