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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/380

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alexandrine et d’inscriptions antiques, et ces caissons ajustés sur la frise où d’âge en âge on avait pourtrait les papes régnants, de saint Sylvestre à Pie VII ; et ces piliers de granit et de cipollin qui divisaient le transept en deux nefs, et tant d’autres splendeurs dont il convient de se taire, puisqu’on ne les verra plus ! Cette doyenne des basiliques catholiques mesurait près de quatre cents pieds de long ; les premiers siècles chrétiens y étaient racontés.

Lorsque fut consumée la Basilique Ostienne, Pie VII était agonisant : il n’apprit ce malheur qu’à son arrivée en paradis. Ce fut donc Léon XII qui ordonna de reconstruire Saint-Paul sur les mêmes dimensions, en copiant de souvenir la basilique morte. Le monde entier concourut à l’œuvre : la Russie schismatique fit don d un autel en malachite ; Mahomet apporta en tribut aux sanctuaires du Christ quatre colonnes d’albâtre oriental offertes par le sultan ; l’or, l’argent, les joyaux affluèrent de toute part.


Un corridor du Colisée. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.

De là ces portiques en marbre grec veiné, ces pilastres enlevés aux quartz du Simplon, ces murailles de Carrare encadrées de gemmes aux nuances variées, cet entablement de Paros avec sa frise violette, ces chapiteaux énormes si généreusement équarris et si finement exécutés. Spectacle étrange, au premier aspect surtout, que ce vaste monument si antique et si neuf ; modèle unique en nos âges bourgeois d’une châsse colossale exécutée comme de la miniature, et révélée dans son éblouissante fraîcheur !

Mais on ne s’oubliera point là comme aux vieux édifices de Ravenne, dans un rêve d’admiration confiant et curieux. Dès qu’on passe à l’analyse, la misère des artistes actuels se dévoile, à ce point que pour rendre à ce beau lieu quelque chose de son âme et de la vénération qu’il doit inspirer, on s’attache à la recherche des moindres vestiges de la basilique primitive, échappés au désastre de 1823. Cet examen est payé de quelques consolations.

La mosaïque de l’abside ou tribuna, œuvre du treizième siècle représentant le Christ avec les apôtres, a été restaurée, mais forcément trop retouchée ; on a maniéré les mains, le Christ a été gratifié d’une adolescence féminine assez ridicule. À l’arc de Galla Placidia qui sépare la nef du transept et qui a gardé le nom de la fille de Théodose, une mosaïque du sixième siècle, Jésus et les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse, a pu être conservée plus intégralement. Elle est d’un art passablement féroce, plus sauvage que les peintures du même temps que l’on voit à Ravenne. Rome alors devenue provinciale n’attirait plus les bons imagiers ; la capitale était ailleurs.

Un monument parfaitement conservé, c’est le candélabre pascal en marbre blanc, de douze pieds de haut. Cette colonne où parmi des guirlandes de fruits et d’animaux symboliques s’agite une légion de figurines représentant quelques scènes de la passion, est un travail merveilleux du neuvième siècle. Le Christ en croix y est représenté vêtu, ce qui est assez rare.

On a préservé aussi l’ancien autel exécuté au treizième siècle par Arnolfo del Cambio, le plus illustre élève de Nicolas de Pise. Sous le dôme de son campanile voltigent de jolis séraphins et se jouent sur de fines mosaïques des moinillons d’un dessin heureux, accompagnant les exquises figurines d’Adam et d’Ève, d’Abel et de Caïn. Par malheur, afin d’utiliser quatre piliers d’albâtre oriental, don de Méhemet-Ali, on a surchargé le tout d’un lourd baldaquin, qui ravale les clochetons de l’autel et intercepte la grande mosaïque.

Au fond de la tribune, le siége pontifical est d’un style déplorable et d’une sotte richesse ; un fade et grand tableau le surmonte : saint Paul en apothéose du Camuccini. On a voulu le long des frises réintégrer les médaillons des papes ; mais la plupart des têtes sont de fantaisie : ânerie impardonnable. Les directeurs de l’œuvre n’ont pas pris la peine de faire les recherches nécessaires pour se procurer les effigies véritables des souverains pontifes : on ne retrouve que ceux qui sont connus de chacun ; les autres dénotent chez leurs auteurs peu d’intelligence des physionomies considérées dans leurs rapports avec le caractère.

C’est à Saint-Paul hors des murs que l’on conserve