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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/411

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n’avaient vu que les œuvres de Charlemagne, plaçaient parmi les assonances des romans de chevalerie un de ces monuments de la puissance romaine, ils en attribuaient la fondation à des génies de l’abîme ou à des géants de souche sarrasinoise. Les voûtes ont plus de soixante pieds d’envergure ; les corniches de marbre cubent d’effrayantes épaisseurs et pesaient des milliers.

De tout temps ces ruines et le mystère qui s’y attache ont occupé l’imagination populaire. Quelques auteurs depuis le quinzième siècle ont cru reconnaître un temple à la Paix érigé par Vespasien : une inscription du Capitole relevée dans le voisinage avait donné lieu à cette supposition qui n’est plus soutenable. Les caractères de l’architecture, le plan qui est celui d’une basilique, le témoignage des annalistes, les marques dont sont estampillées les briques employées dans la construction, tout dénote qu’elle est postérieure et doit être attribuée au compétiteur de Constantin, à ce Maxence qui eut le triple tort d’être battu, d’avoir mérité de l’être et de n’avoir rien compris aux idées de son temps. Lorsque ce dévot réfractaire du culte de Vénus et de Silène eut succombé au pont Milvius avec la religion de ses aïeux, le sénat consacra au vainqueur la basilique du vaincu, ce qui ne manque pas de faire un sénat bien appris. Un auteur anonyme nous conte que Domitien avait autrefois placé là, sous le nom d’Horrea piperatoria, le bazar des produits de l’Orient qui, suivant Gallien et Dion, fut incendié l’an 191. Rufin, Aurelius Victor, l’auteur anonyme de la Notice de l’Empire confirment la situation près la voie Sacrée de la basilique de Constantin.

Les annalistes chrétiens tiennent encore pour le nom d’Arco della Pace : ils admettent, d’après Suétone, Josèphe, Pline, et il le faut bien, qu’un temple de la Paix a été brûlé sous le règne de Commode ; mais c’est là qu’ils le placent, en ajoutant qu’alors ce n’était
Bas-relief de l’Arc de Titus. Dessin de E. Thérond d’après une photographie.
plus déjà qu’une ruine. La construction primitive, ils l’attribuent à Auguste, après la paix d’Actium. Lorsqu’il eut achevé, disent-ils, cet énorme et solide édifice, l’empereur consultant les dieux leur demanda combien de temps subsisterait son œuvre. Et l’oracle répondit : « Jusqu’à ce qu’une vierge enfante ! — Quoadusque virgo pariat !  »

Octave en augura que cet emblème du nouvel empire durerait toujours. Mais la nuit où naquit l’enfant-Dieu, le temple de la Paix s’écroula.

Cette tradition m’en rappelle une autre qui rend à la première une certaine valeur en nous montrant à propos de Vespasien qui arrivait de Jérusalem quand il fut élevé à l’empire, une prophétie relative au Christ attestée naïvement par Suétone : « C’était une ancienne et constante croyance accréditée dans tout l’Orient, que les destins appelleraient vers ce temps-là des hommes partis de la Judée à dominer le monde. Les Juifs s’attribuaient la gloire de cet oracle : il regardait Vespasien ; l’événement l’a prouvé… »

Dans ces quartiers il semble que la ville antique se prolonge indéfiniment. Au fond d’une rue, un peu avant la Basilique, on voit se profiler, captives dans un fossé, les colonnes du temple de Nerva adossées à un mur en très-grand appareil, qui barre la voie et qui est percé d’une arche énorme par où l’on communiquait avec un forum qui porte plusieurs noms. On l’appelle Transitorium parce qu’il fallait le traverser pour monter aux trois collines qui le dominent, Forum de Nerva parce que Trajan l’avait édifié à son père, et Forum Palladium parce que les Colonnate, restes, disent quelques-uns, d’un temple à Minerve érigé la par Domitien, portent sur leurs fûts cannelés, inhumés aux deux tiers, une figure de Pallas couronnant le bel entablement d’un attique. La frise a des bas-reliefs d’un travail charmant, mais très-endommagés. Au-dessous de