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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/418

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au moins devait-on à la mémoire de Livingstone de constater directement le fait et de connaître le théâtre de la catastrophe. Une expédition de recherche fut rapidement organisée par la Société de géographie, avec le concours du gouvernement, et la direction en fut confiée à un marin, M. Young, qui avait déjà l’expérience de l’Afrique orientale.


II


La petite expédition quitta la Tamise le 6 juin ; le 13 juillet elle touchait au Cap, le 27 elle arrivait aux bouches du Zambézi, et le 6 septembre elle entrait dans le Nyassa ou lac Maravi, après avoir remonté la rivière Chiré qui verse les eaux du lac dans le Zambézi inférieur. Déjà, même avant de toucher au lac, des rapports de la nature la plus encourageante avaient été recueillis. Plusieurs indigènes parlaient d’un blanc qui était arrivé du Nord l’année précédente par l’orient du lac, et qui, après avoir inutilement attendu une barque qui devait le porter à l’autre rive, s’était décidé à descendre jusqu’à l’extrémité méridionale, qu’il avait contournée pour remonter au nord. Ces indications ne semblaient pouvoir se rapporter qu’à Livingstone. Sur le bord occidental que M. Young remontait dans un petit vapeur, il recevait à chaque station de nouvelles informations qui confirmaient de plus en plus les premiers rapports. Sur un point où M. Young fit relâche, Livingstone avait séjourné deux jours venant du sud du lac, et il en était reparti pour continuer sa route vers le nord après avoir renouvelé ses provisions. Le chef ajoutait que quelques jours après les hommes de Johanna qui accompagnaient le voyageur étaient revenus, disant que le blanc les renvoyait chez eux. Plus loin encore vers le haut du lac, dans un lieu appelé Marenga, le voyageur blanc — on peut mettre ici avec toute certitude le nom de Livingstone — s’était procuré soixante ou quatre-vingts porteurs, et là il avait quitté les bords du lac pour s’avancer vers l’ouest ou le nord-ouest en plein continent. Le chef de Marenga affirmait que s’il fût arrivé un accident au voyageur, même à la distance d’un mois de marche, il l’aurait certainement appris.

M. Young, regardant ces rapports comme tout à fait décisifs et jugeant le but de sa mission atteint, s’était décidé à revenir sur ses pas. Dans les premiers jours du mois de janvier dernier, M. Young rapportait à Londres l’heureuse assurance que l’histoire racontée par Ali Mousa et ses Johannais pour expliquer leur retour était une pure invention, et que sans aucun doute le grand explorateur, plein de vie et de santé, poursuivait en ce moment même au cœur de l’Afrique australe l’étude des problèmes qu’il avait entrepris de résoudre.

Déjà même avant le retour de M. Young, des informations parvenues à Londres dans le courant de novembre par une autre voie avaient préparé à cet heureux changement. Une caravane était arrivée au Zanzibar vers le milieu de septembre 1867. Il fut alors beaucoup question d’un blanc qui avait été rencontré fort loin dans l’intérieur, aux environs du lac Tanganîka (le grand lac central). Un Souâhéli qui faisait partie de cette caravane (Souâhélis, c’est-à-dire gens du littoral, est le nom que les Arabes donnent aux habitants indigènes de la côte de Zanzibar) fut présenté au consul anglais et au docteur Kirk, l’agent consulaire, et on l’interrogea avec précaution. Le blanc en question avait été rencontré à deux mois de la côte, dans le pays de Maroungou, vers l’extrémité sud du Tanganîka. Il avait avec lui treize noirs, qui parlaient le souâhéli. Ils étaient tous armés de fusils. Le blanc qu’ils escortaient donna au chef de Maroungou un miroir, et il refusa l’ivoire qu’on lui offrait, disant qu’il n’était pas un marchand. Que pouvait-ce être que ce voyageur blanc, avec son escorte de gens de la côte armés[illisible] de fusils, sinon le docteur Livingstone lui-même ?


III


Telle était la conclusion naturelle qui ressortait de cette communication, que vint bientôt après confirmer le rapport de M. Young. On pouvait seulement s’étonner, et l’objection était des plus sérieuses, que l’explorateur, sachant qu’une caravane allait bientôt retourner à la côte, n’en eût pas profité pour donner des nouvelles à ses amis et à l’Europe.

Cette difficulté suffisait pour ébranler la confiance que les lettres de Zanzibar et le rapport de M. Young étaient si bien faits pour inspirer. Mais de nouvelles informations, tout à fait décisives, sont bientôt venues confirmer toutes les espérances et dissiper les derniers doutes.

Cette fois elles proviennent de Livingstone lui-même !

Elles sont écrites du centre de l’Afrique australe et datées du 2 février 1867, deux mois après le retour à Zanzibar des misérables Johannais qui avaient annoncé sa mort.


IV


Le 8 avril dernier, le président de la Société de géographie de Londres, sir Roderick Murchison, écrivait au Daily Telegraph une lettre où il annonce avoir reçu de Zanzibar la nouvelle positive de l’arrivée de Livingstone à Oudjidji, sur la côte orientale du lac Tanganîka, où des provisions et des lettres de l’Angleterre et de Zanzibar l’attendaient depuis longtemps.

« Les preuves claires et précises rapportées par l’expédition envoyée au Nyassa sous le commandement de M. Young avaient déjà, ajoute sir Roderick, convaincu pleinement la plupart de mes compatriotes que j’étais dans le vrai en regardant comme une fable tout ce qui avait été dit du meurtre du docteur Livingstone ; mais depuis lors bien des personnes avaient exprimé des doutes sur la possibilité de voir notre ami revenir vivant du centre de l’Afrique.

« En présence des nouvelles satisfaisantes d’aujourd’hui,