tout le monde peut jouir avec moi de l’espérance de saluer encore une fois David Livingstone, et de le voir rendu à l’admiration de ses concitoyens. »
Les journaux de Londres nous apportent en ce moment même le détail de la séance publique que la Société de géographie de Londres a tenue hier 25 mai, comme elle le fait une fois chaque année, et du nombreux banquet qui a eu lieu dans la soirée. Sir Roderick Murchison a lu son address annuelle, où il a été fort question, on peut bien le croire, de Livingstone et de son voyage. M. Murchison est fier, et non sans raison, lorsque nul n’élevait le moindre doute, ni en Europe ni à Zanzibar, sur la vérité du rapport des Johannais, — dont aujourd’hui encore on a peine à concevoir l’incroyable impudence, — d’avoir seul contre tous gardé une espérance que l’événement a si merveilleusement justifiée, et d’avoir provoqué l’expédition de recherche confiée à M. Young. La pensée, maintenant, se tourne vers les investigations que le voyageur a poursuivies, vers les découvertes qu’il a dû faire, et vers la route qu’il pourra prendre pour son retour. Car bien que quinze mois se soient maintenant écoulés depuis la date de ses lettres, on ne veut plus prévoir aucun accident désastreux qui viendrait frapper l’explorateur, comme tant d’autres l’ont été avant lui sous le ciel africain, au milieu de ses recherches. La situation actuelle de Livingstone, au fond d’un continent inexploré, rappelle la position semblable où se trouva Barth en 1854, lors de son aventureuse excursion à Timbouktou, et l’on ne doute pas maintenant que Livingstone, lui aussi, ne revienne jouir dans sa patrie de la gloire scientifique qu’il aura si bien conquise.
« À la date de ses dernières lettres, a dit M. Murchison, — le 2 février 1867, — le grand voyageur était à Bemba, vers le dixième degré de latitude australe, à deux cents milles au sud du Tanganîka ; et il avait encore à résoudre tous les problèmes qui touchent à l’hydrographie du grand lac, aux rivières qui s’y déversent ou qui en sortent. Il avait à déterminer si cette grande nappe d’eau, dont la longueur n’est pas de moins de trois cents milles et dont Burton et Speke n’ont connu que la partie centrale, est alimentée par des rivières qui lui arrivent du sud, ou bien s’il en sort au sud-ouest un ou plusieurs courants. C’est ce dont il se sera complétement assuré, je n’en doute pas. Si le Tanganîka se trouve fermé au nord, et s’il est constaté qu’une grande rivière en sort pour se porter à l’ouest ou au sud-ouest, pourquoi, dans ce cas, notre intrépide ami ne suivrait-il pas cette voie qui lui serait ouverte à travers une vaste région absolument inconnue, et n’arriverait-il pas ainsi à la côte occidentale d’Afrique, soit sur un point au nord du Congo, soit dans le territoire portugais qu’il a déjà visité lors de sa première traversée du continent africain ? S’il en est ainsi, il faut nous attendre à rester très-longtemps, pendant dix-huit mois peut-être, dans une anxieuse attente. D’un autre côté, s’il existe, comme on l’a supposé, une communication par eau entre le Tanganîka et l’Albert Nyanza, il devient beaucoup plus facile d’évaluer le temps probable de son retour. Dans ce cas, le grand problème physique du point de partage des eaux et de la limite extrême du bassin du Nil au sud sera résolu. En touchant les rives de l’Albert Nyanza, Livingstone, s’il revient par cette voie, aura atteint la partie connue des eaux du Nil. Ce point une fois atteint, poussera-t-il au nord vers Gondoro pour revenir par le Nil, ou bien, ce que pour ma part je croirais plus volontiers, se portera-t-il à l’est vers la côte du Zanguebar par une ligne plus au nord que la route de Burton et Speke ? c’est ce que l’événement nous apprendra. S’il revenait par cette dernière voie, il n’y aurait rien de déraisonnable dans l’espérance de le revoir parmi nous dès l’automne prochain. Dans tous les cas, quelle que soit la route de retour que les circonstances lui ouvrent ou que lui conseille son ardeur, Livingstone aura immensément ajouté à sa renommée, et nous pourrons le proclamer le plus grand parmi les grands explorateurs de l’Afrique. ».
V
Quoique l’intérêt des explorations africaines se résume en ce moment presque tout entier dans le nom de Livingstone, il se fait en Afrique plusieurs autres voyages qui ont eu déjà, ou qui doivent avoir dans un prochain avenir une importance considérable. Un naturaliste allemand, M. Karl Mauch, a reconnu le premier une grande étendue de pays au sud du Zambézi, et y a recueilli, pour la géographie, un ensemble de données, qui, mises en œuvre dans l’établissement géographique de Gotha avec l’habileté magistrale qui distingue les travaux cartographiques du docteur Petermann et de ses habiles auxiliaires, vont notablement enrichir cette partie de la carte d’Afrique.
L’habile explorateur a découvert, à ce qu’il paraît, à plusieurs degrés dans l’intérieur au-dessus de la côte de Sofala, des gisements d’or considérables où vont affluer une foule de colons de Natal. M. Mauch n’a eu longtemps pour soutien qu’un très-faible subside du comité de Gotha ; il est un exemple de ce que peut un zèle ardent pour des recherches de cette nature, même avec les moyens pécuniaires les plus modestes. Trop de déploiement, au contraire, peut devenir funeste en provoquant l’insatiable avidité des chefs indigènes : témoin la triste fin du baron de Decken en 1865, au milieu des Somâl de la côte orientale.
La famille de M. de Decken, qui occupe dans le Hanovre une grande position de fortune, organisa en 1866 une expédition chargée de remonter, autant que possible, jusqu’au théâtre même de la catastrophe. Peut-être les premiers rapports étaient-ils exagérés, et le baron avait-il échappé à la mort. Cette mission, qui n’était pas sans périls, fut confiée à deux hommes depuis longtemps familiers avec les hasards des explorations africaines, M. Richard Brenner, qui avait été un