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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/96

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blessés le docteur était tombé malade ; il avait une fièvre lente ; je n’étais guère mieux, et les chaleurs plus intolérables de jour en jour nous fatiguaient beaucoup. À notre grand chagrin, à la même époque, le lait, notre meilleur aliment, devint très-rare ; il nous était très-difficile de nous en procurer. Malgré mes réclamations et les ordres d’Ahmadou lui-même, cette excellente nourriture nous fit défaut de plus en plus et notre malaise s’en accrut d’autant.

Nous atteignîmes ainsi la fin de février. Elle fut remarquable par une grande pluie qui rafraîchit l’atmosphère, au point de nécessiter de notre part l’emploi des vêtements de drap ; l’année précédente, pendant notre voyage, à la même époque, il était tombé une petite pluie, mais cette fois c’étaient de belles et bonnes averses.

L’effet le plus désagréable de ces pluies anomales était sans contredit de faire fuir les vendeurs du marché, qui devenait désert et où nous ne pouvions plus rien trouver à acheter. Paralysés par l’influence atmosphérique, les bouchers ne tuaient pas, les somonos n’allaient pas à la pêche, et, sans un mouton gu’Ahmadou nous envoyait de temps en temps, nous eussions dû jeûner ou à peu près.


Mode d’exécution à Ségou. — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.

La pluie dura jusqu’au 28 février, jour de la fête religieuse du Cauri.

Cette solennité fut une répétition de celle dont javais déjà été témoin l’année précédente. Elle consista principalement en une grande revue des troupes, — Talibés et Sofas, — accompagnée de prières et de lecture du Coran, faites par le roi.

Les princes y assistèrent en grands costumes. Ahmadou avait un manteau de drap blanc brodé en soie bleue et jaune. Aguibou, son frère, un manteau de velours jaune safran, et les autres étaient à l’avenant.

Ahmadou termina la cérémonie en réclamant de nouveau les Kouloulous ou parts individuelles prises, frauduleusement soustraites à la masse du butin de guerre. Il ajouta qu’il allait de nouveau réunir l’armée ; que toutefois il ne le ferait que quand on aurait rendu tout ce qu’on avait volé, et que, par conséquent, si on ne remettait pas les Kouloulous, c’est qu’on voudrait l’empêcher de former une armée et qu’il saurait alors qu’on avait peur d’aller se battre. Puis après, passant à un autre ordre d’idées, il dit qu’il ne fallait pas tatouer de coupures la figure des enfants nouveau-nés, comme le faisaient les Keffirs ; qu’il était indécent que les femmes se fissent des chignons en rembourrant leurs cheveux avec des chiffons ; qu’on ne devait pas laisser les femmes mariées aller dans la rue ni au marché, et enfin que les Talibés devaient venir faire le salam à la mosquée au lieu de le faire chez eux ; qu’on abandonnait la mosquée et que ce n’était pas bien.

Mage.

(La fin à la prochaine livraison.)