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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/119

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Les persécutions qui désolèrent la Norvége sous les rois Harald durent envoyer à Ingolf de nombreuses recrues d’émigrants et la population de l’Islande s’accrut rapidement. Ce qu’il y a de certain pour nous, c’est que l’Islande a été peuplée au neuvième siècle par des Norvégiens, et, comme cette population est constamment restée pendant de longues générations à l’abri de toute espèce de contact et de tout mélange étranger, on pourrait espérer, en venant vivre au milieu d’elle, de retrouver dans toute sa pureté, comme une perle précieusement conservée dans un écrin, la civilisation et l’existence patriarcale des vieux rois de la mer. Mais il faut tenir compte des modifications apportées depuis neuf cents ans dans les esprits par le christianisme et dans les organismes par l’hygiène, le sol et le climat.


Départ de la caravane. — Dessin de V. Foulquier d’après l’album de l’auteur.

Le lendemain vers midi nous arrivions au mouillage, et je dois l’avouer, quand je vis dans le Faxafjord la belle frégate la Pandore se pavanant sous sa gracieuse mâture, il me sembla voir les côtes de France ; ce messager de la patrie dans ces parages lointains me la représentait tout entière. Je fus reçu par M. Favin-Lévêque, capitaine de vaisseau commandant la division navale d’Islande, qui me présenta à tout l’état-major, et ces messieurs ne parurent pas médiocrement surpris de trouver un de leurs compatriotes sous ces latitudes ; j’avais l’air de tomber de la lune. On donna des ordres pour mon installation : une heure après mon arrivée un matelot avait rangé mes livres dans la bibliothèque de ma chambre, mon linge dans la commode ; bref, j’étais en France.


La caravane parcourant les plateaux. — Dessin de V. Foulquier d’après l’album de l’auteur.

Avant de nous occuper des personnes, tournons-nous d’abord du côté des choses et examinons le pays où nous venons d’aborder. D’abord j’ai éprouvé une déception. Jusqu’à présent on avait fait de l’Islande un tableau si triste, si lugubre, que j’ai trouvé le pays presque réjouissant. Quand on a tourné les glaciers, les montagnes nues et vitrifiées, l’œil trouve dans les bas-fonds des plaines, des vallées couvertes de gazons aux teintes vigoureuses et au milieu desquels s’étalent à profusion la clochette jaune et la blanche marguerite. Là où je m’attendais à trouver un pays exclusivement sauvage je trouve une nature civilisée. Il est vrai que j’étais arrivé dans la belle saison et que dans ce pays volcanique il suffit de quinze jours pour habiller le paysage. La verdure y remplace immédiatement la neige.

Le Faxafjord, ou golfe de Reykjavik, offre un coup d’œil très-pittoresque. À son extrémité orientale, une