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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/207

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trouvai là une barque à six avirons que je louai sur le pied assez modéré de 16 roupies par mois, plus un anna (15 c.) par jour et par homme pour la nourriture ; et, sans m’arrêter, je mis le cap sur Srinagar, capitale de la principauté, dont j’étais éloigné d’une petite journée de navigation.

La plaine était unie, le fleuve large, profond, peu rapide : aussi mes hommes purent-ils, sans trop de fatigue, entrer le soir même dans le lac Oualler. Ce bassin, qui semble se rétrécir lentement, est en réalité un fond de lagune qui rappelle au géologue le temps où la vallée entière n’était qu’un lac de cinquante lieues de long sur quinze de large, avant la catastrophe qui ouvrit la grande faille de Baramoula et permit à cette immense masse d’eau de s’écouler vers l’Indus comme un étang dont le déversoir a crevé.


Un montagnard du Hazara (voy. la carte, p. 179). — Dessin de Gilbert d’après une photographie tirée de l’ouvrage : People of India.

L’histoire légendaire du Cachemir a là-dessus un conte ingénu qui ne manque pas de quelque parfum de vieille poésie.

D’après la tradition, lorsque le célèbre apôtre bouddhiste, Madiantika, prêchait la foi aux infidèles, il arriva au bord du grand lac cachemirien, lequel lac était, sous sa forme liquide, un génie redoutable, roi des Nagas ou des dragons qui habitaient ses eaux. Madiantika (on ne dit pas pourquoi) demande au génie la permission de s’asseoir au milieu de son bassin. Le roi, très-étonné, mais obligeant et un peu niais, comme sont généralement les génies des contes de fées, lui ayant accordé sa demande, le saint s’élance sur les eaux, et, en s’asseyant, dilate tellement sa personne, que le roi-lac, épouvanté, voit sa surface se réduire rapidement au dixième, au vingtième. Menacé de disparaître entièrement, il se plaint, il implore Madiantika : mais l’apôtre ne saurait se satis-