Vue de la plage à Manaos. — Dessin de Riou d’après une aquarelle.
VOYAGE AU BRÉSIL,
VIII
Quand nous en eûmes fini avec la tasse de café chaud où trempait un biscuit de manioc, comme nous étions fatigués d’être assis, nous sautâmes à terre sur une large plage que nous longions depuis longtemps. Il y a plus d’une chose à apprendre sur ces plages de l’Amazone : elles sont fréquentées par toute sorte d’animaux, et beaucoup d’entre eux y viennent déposer leurs œufs. On y trouve, à chaque pas, les traces des alligators, des tortues et des capivaris. C’est là que pondent non-seulement les alligators et les tortues, mais encore plusieurs espèces de poissons et d’oiseaux auxquels la vase ou le sable tient lieu de nid. Rien de curieux comme de voir avec quel tact l’Indien sait découvrir les nids de tortues. Il marche d’un pas rapide et d’une allure inquiète sur le sable, comme s’il avait une sorte d’instinct au bout des orteils. Pose-t-il le pied sur une place où des œufs sont enterrés, bien qu’il n’y ait absolument aucun signe extérieur visible, il ne s’y trompe pas, et s’arrête court ; alors, creusant le sable, il déniche les œufs, qui sont, en général, à huit ou dix pouces de profondeur. Outre ces traces et ces nids, on voit sur la vase des dépressions assez creuses, arrondies, où les pêcheurs prétendent que les raies viennent dormir. Il est positif que ces dépressions ont la forme et la dimension d’une raie, et l’on pourrait croire que ces singulières empreintes, sur la surface molle, ont en effet été produites par ces poissons. La végétation de ces plages n’est pas moins curieuse que ces indices de la vie animale. Dans la saison des pluies, la rive, à cette heure découverte, est, jusqu’à un demi-mille de distance, entièrement sous l’eau. Le fleuve non-seulement déborde sur la lisière de la forêt, mais pénètre très-loin dans l’intérieur. À l’époque où nous sommes, la rive est formée d’abord par la
- ↑ Suite. — Voy. pages 225 et 241.