d’une place de commerce indigène, mais de pratiquer le bourgeois et de revenir à peu près journellement à son magasin, jusqu’à ce qu’on l’ait exploré dans tous les coins et recoins. Cela est d’autant plus indispensable, qu’il n’existe pas de bazar au Japon, et que chaque magasin, chaque boutique a sa spécialité. L’on rencontre, il est vrai, une sorte de petits bazars indigènes établis, sous le nom de stores, dans les ports ouverts aux Européens ; mais ce ne sont que des exhibitions permanentes d’échantillons, parmi lesquels domine la marchandise de pacotille, fabriquée expressément pour être débitée sur les marchés des quartiers-francs. Évidemment ce n’est pas là qu’il faut étudier l’industrie japonaise. Il y a, en général, autant de différence entre un store de Nagasaki et les boutiques de la cité marchande de Yédo, qu’entre un bazar d’articles de Pforzheim, de Nuremberg ou de la Forêt-Noire, et tel ou tel magasin d’objets d’art et d’industrie de la place de la Bourse, de la rue Vivienne ou des boulevards.
Quelle que soit la variété des produits industriels
étalés dans les boutiques de la cité marchande, il est
un trait qui les caractérise, un cachet commun qui
leur assure une place à part au milieu de tous leurs
similaires de l’extrême Orient, et j’ose l’appeler le bon
goût, sans crainte d’être contredit par les connaisseurs.
L’artisan de Yédo est un véritable artiste. Si l’on en
excepte le style conventionnel auquel il croit encore
Statues du temple des Cinq-Cents-Génies.
devoir s’assujettir dans ses reproductions de la figure
humaine ; si l’on veut bien lui passer l’insuffisance de
ses études en ce qui concerne les règles de la perspective,
l’on n’aura, pour tout le reste, que des éloges à
lui décerner. Ses ouvrages se distinguent de ceux de
Kioto par la simplicité des formes, la sévérité des lignes,
la sobriété des décors et l’exquis sentiment de la
nature dont il fait preuve dans tous les sujets d’ornementation
qu’il emprunte au règne végétal ou au règne
animal. Ce sont là d’ailleurs ses sujets de prédilection :
les fleurs et les oiseaux ont surtout le don de lui inspirer
des compositions ravissantes de vérité, de grâce et
d’harmonie. Quant à la perfection d’exécution, elle est
également admirable dans les œuvres sorties des ateliers
de l’une ou de l’autre capitale.
Je ne saurais entreprendre de faire l’application de ces observations générales à tous les groupes de produits industriels que l’on remarque dans les magasins de Yédo. C’est un sujet qui mériterait d’être traité par des hommes spéciaux, et je ne puis que l’effleurer en y consacrant les quelques notes recueillies dans le cours rapide de nos excursions.
Pour commencer par les industries les moins développées, je citerai en premier lieu la sellerie, qui végétera nécessairement aussi longtemps qu’un préjugé religieux flétrira les métiers de tanneur et de corroyeur. Cette circonstance rend le Japon tributaire de l’étranger, surtout depuis que le taïkoun et les daïmios rivalisent de zèle pour la réforme de leur artillerie et de leur cavalerie. L’Allemagne leur fournit des cuirs ; la