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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/76

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au marteau dans le bronze. Et si quelque chose peut rivaliser de noblesse et d’élégance avec ces vases de bronze noir niellé d’argent, ce sont les vases en porcelaine, à fond gris clair ou vert d’eau, ornés de quelques fines peintures dont la touche délicate et les tons harmonieux sont d’un charme inexprimable.

Après ces chefs-d’œuvre de bronze et de porcelaine, le triomphe de l’industrie japonaise est la fabrication des meubles et des ustensiles en bois laqué. Tel est le talent avec lequel les ouvriers indigènes savent utiliser l’incomparable vernis du Japon, produit de l’arbrisseau qui porte ce nom ; telle est leur habileté à en combiner les effets avec les procédés de leurs arts décoratifs, que des meubles dont la matière première est presque de nulle valeur finissent par rivaliser d’éclat, et l’on dirait même de consistance, avec ceux dans la confection desquels nous faisons entrer le marbre et les métaux précieux.

L’ébénisterie de Yédo excelle à imiter les ouvrages en vieux laque, au point qu’il faut un œil exercé pour les distinguer des originaux. Dans la décoration intérieure des cabinets, des boîtes et des coffrets de goût moderne, elle emploie, de préférence au salvocat, la laque aventurine à couleur brune parsemée de paillettes d’or. À l’extérieur, la laque est généralement de couleur unie, rouge, brune ou noire, rehaussée de dessins à deux ou trois teintes ou en feuilles d’or, avec ou sans


Étal de charcutier et restaurant, à Yédo. — Dessin de L. Crépon d’après une peinture japonaise.

relief. Souvent des arabesques, des dessins de branchages, de fleurs et d’oiseaux, en ivoire, en nacre et en écaille, sont incrustés dans la laque avec une délicatesse et une habileté surprenantes. Il n’y a presque jamais rien dans les formes, les dessins et toute l’ornementation des objets, qui ne puisse soutenir la critique du goût le plus sobre et le plus épuré. Si parfois cependant les kotans, auxquels nous donnons la dénomination de cabinets, nous paraissent un peu trop chargés de travaux en mosaïque, d’incrustations en porcelaine, en nacre, en argent et même en or, c’est que la fabrication indigène a dû se conformer aux caprices des acheteurs étrangers, qui voulaient absolument retrouver sur le marché du Nippon quelque peu du gros luxe des magasins chinois.

Les principaux objets qui se fabriquent en bois laqué sont les norimons et les coffres de voyage des personnes nobles, les armoires, les nécessaires de toilette et les chevalets de miroirs des dames élégantes ; les étagères à déposer les costumes de cérémonie ployés dans des cartons, ou les livres et les rouleaux d’une bibliothèque ; enfin divers meubles à l’usage du culte public ou privé, tels que des pupitres, des tables à offrandes, des supports d’encensoirs, des trépieds pour les gongs, des chevalets de grosse caisse et des autels domestiques.