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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/79

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forme de boucliers, que, vers la fin du banquet, l’on remplit à pleins bords pour les faire passer à la ronde et provoquer d’héroïques défis.

C’est alors aussi que circulent de main en main les cabarets de pure nacre et les plateaux de mosaïque en nacre et en bois précieux, chargés de toutes les merveilles du dessert japonais.

Parfois, avant de le distribuer, on l’expose sur une table basse et ronde placée au milieu du groupe des invités : chaque sorte de pâtisserie, de confiture et de sucrerie ayant son plateau spécial, tous les plateaux réunis et assortis selon leurs formes et leurs dimensions décrivent sur la table six cercles concentriques régulièrement traversés de rayons qui vont du centre à la circonférence ; et dans chaque segment de cercle on dispose les friandises selon l’analogie des couleurs, de manière à reproduire de zone en zone toutes les teintes de l’arc-en-ciel.

Une autre surprise, non moins ingénieuse, consiste à mettre les sucreries dans une quantité de charmantes petites boîtes, et à les cacher dans une cassette de laque figurant un énorme poisson rouge. Quand le moment est venu de le dépecer, chaque convive, à tour de rôle, plonge la main dans les entrailles du monstre artificiel et en retire au hasard une boîte, dont le contenu est souvent de nature à provoquer une hilarité générale ;


Magasin de bronzes à Yédo. — Dessin de L. Crépon d’après une gravure japonaise.

car les bonbons japonais représentent non-seulement une foule de jolis sujets tirés du règne végétal et du règne animal, mais toutes sortes de conceptions indescriptibles, dues à l’imagination éminemment facétieuse des confiseurs.

Les bonbonnières japonaises sont d’ailleurs aussi variées dans leur genre que les boîtes de dragées de nos étrennes enfantines : il y en a en laque, en carton, en papier mâché, en nacre, en pâte de sucre ; les unes sont unies et sans ornements, les autres enrichies de moulures, de sujets coloriés, de découpures de feuilles d’or ou de bandes de papier argenté ; l’on en remarque aussi qui sont faites pour certaines spécialités, telles que le namé, petite pâtisserie pour les enfants, et les fruits de mer, sucreries aussi charmantes de formes que de couleurs, représentant une infinie variété de moules et de coquillages.

Cependant, pour rendre justice au discernement du bourgeois de Yédo, il faut ajouter que ce n’est point seulement dans la fabrication des bonbonnières qu’il permet aux ébénistes de déployer toutes les ressources de leur art. De plus nobles sujets s’offrent à leur émulation : tantôt ce sont des boîtes pour l’encens destiné aux cérémonies publiques ou au culte domestique ; tantôt des cassettes renfermant tout ce qu’il faut pour l’application des moxas ou pour l’opération de l’acu-