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nombre à quatorze, sans pour cela qu’il soit question de débaptiser le lac ou la rivière. À vingt lieues plus au nord, non loin du lac Labyrinthe, se trouve « la Hauteur des terres » ou ligne de faîte qui sépare le bassin du Saint-Laurent de celui de la baie d’Hudson, et qui sert de limite entre les deux provinces de l’ancien Canada et les territoires autrefois concédés par le roi Charles II à son frère, le prince Rupert, fondateur de la compagnie de la baie d’Hudson. Au delà du lac Témiscamingue on ne rencontre plus d’hommes blancs que dans les postes de traite de cette compagnie. Des tribus nomades, connues sous le nom générique de Montagnais, et appartenant comme les Hurons à la grande famille des Algonquins, parcourent dans leurs canots d’écorce les innombrables lacs et rivières qui sont les routes naturelles de ces vastes régions. Ce sont les Abbitibbis, les Têtes-de-boule, les Papinachois, les Chamouchouans, les Mistassins, les Naskapis, etc., dont les territoires de chasse s’étendent à l’est jusqu’au Labrador, et au nord bien au delà de la « Hauteur des terres ». Ces pauvres nomades, non encore christianisés pour la plupart, vivent chétivement de la pêche pendant l’été, de la chasse pendant l’hiver, et surtout de leur petit commerce de fourrures avec les postes de la compagnie de la baie d’Hudson.

L’Outaouais : La Chaudière en été. — Dessin de Th. Weber, d’après une photographie.

Des documents officiels, probablement incomplets, évaluent à quatre mille cinq cents le nombre des sauvages qui errent dans la partie de la terre de Rupert située au nord de la ligne frontière des anciennes provinces canadiennes. Deux ou trois mille de leurs congénères mènent à peu près la même existence au sud de cette ligne, dans les forêts de la province de Québec. Les ressources qu’ils disputent à une nature inclémente sont des plus précaires, et l’on ne s’étonnera point que leurs tribus soient souvent décimées par la famine. Lorsque tout espoir de secours est perdu, que leurs fidèles chiens eux-mêmes ont été sacrifiés, l’Indien s’enveloppe silencieusement dans sa couverture, et, comme nos Arabes pendant la terrible disette de 1867, il attend la mort avec indifférence.

Aujourd’hui d’ailleurs, les premiers flots de l’immigration atteignent déjà leur retraite. Un certain nombre de France-Canadiens se portent depuis quelque temps sur les bords du lac Témiscamingue, ainsi que quelques émigrants allemands ou même polonais. Mais les grands défricheurs seront longtemps encore les vingt-cinq ou trente mille bûcherons — les lumbermen — qui se répandent chaque hiver dans la forêt pour le compte des grands commerçants de bois d’Ottawa, les Eddy, les Wright, les Mac Laren, les