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Page:Le Tour du monde - 63.djvu/303

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majorité du roi actuel. Celui-ci, l’esprit largement ouvert aux idées du progrès moderne, comprit à quels dangers était exposé son pays, et permit enfin l’accès de la Corée aux étrangers, en contractant avec eux de nombreux traités d’amitié, de paix et de commerce.

Le régent. — Gravure de Thiriat, d’après une photographie.

Si la politique extérieure de la Corée était changée du tout au tout, l’organisation générale du pays demeura absolument la même ; le roi supprima seulement son sérail et commença la réorganisation de son armée à la façon européenne. Mais l’admirable conseiller, le conseiller de gauche et celui de droite, qui surveillent et rendent compte au roi de l’ensemble de l’administration, furent conservés. Il en fut de même de toute l’organisation publique, ainsi subdivisée : le ministère ou tribunal des rites, établi pour le maintien des us et coutumes du royaume ; le ministère des offices et emplois, qui nomme à tous les postes les hommes qui ont passé les examens nécessaires ; le tribunal des finances, chargé du dénombrement du peuple et des impôts ; le ministère de la guerre, qui s’occupe de l’armée ; le tribunal des crimes, qui a la surveillance des prétoires et veille à l’observation des lois criminelles ; enfin le ministère des travaux publics, qui s’occupe, outre sa spécialité, de tout ce qui regarde le commerce et l’organisation des cérémonies officielles. Voici maintenant le fonctionnement pratique de cette administration : en tête de chaque province est le gouverneur : à sa suite viennent les chefs de districts, dont le nombre s’élève à trois cent trente-deux, chiffre correspondant aux jours de l’année coréenne, puis viennent les mandarins à la tête des villes importantes, et, après eux, les maires des petites cités, villages ou bourgades. Autour de chacun de ces dignitaires se groupe un certain nombre d’employés, nobles, vétérans, satellites, gardiens de palais, de temples et de monuments publics, espions, etc., qui, à des degrés divers, font partie de ce que nous appelons la classe administrative. Parallèlement à cette classe, la noblesse se subdivise de la façon suivante : d’abord les nobles alliés à la famille royale, puis les enfants de ceux qui ont aidé à fonder la dynastie ou qui se sont illustrés dans les fonctions publiques. Ils occupent eux-mêmes différents degrés, suivant le rapprochement familial avec le roi, ou les services qu’ils ont rendus à l’État. Mille privilèges leur furent assurés, et le peuple, opprimé, se constitua en corps de métiers pour pouvoir lutter contre eux et même parfois contre les mandarins, comme nous le verrons plus tard. Les chefs élus de ces corporations jouirent bientôt d’une réelle influence ; aussi cette organisation fut-elle adoptée par toutes Les classes sociales, dont voici l’ordre hiérarchique : lettrés, bonzes, moines, cultivateurs, artisans, marchands, portefaix, sorciers, musiciens, danseuses, comédiens, mendiants, esclaves ; puis la classe, abjecte pour les Coréens, des tueurs de bœufs et des tanneurs.

Tout, homme, à l’exception de ceux des dernières classes, peut, en Corée, se présenter aux concours qui ouvrent seuls l’accès aux fonctions publiques. Les examens supérieurs sont basés sur la connaissance de la langue et des caractères chinois, la philosophie, la poésie, l’histoire. En somme ils sont identiques comme matières aux concours qu’on passe en Chine, mais inférieurs comme valeur réelle. Ils se divisent en trois degrés, donnant des titres littéraires correspondant chez nous à bachelier, licencié, docteur. Malheureusement, à l’inverse du Céleste Empire, on n’obtient des fonctions publiques qu’en rapport avec sa position sociale, sans qu’on puisse, pour ainsi dire, s’élever au-dessus ; aussi, les plus hautes fonctions étant remplies uniquement par la noblesse, la plupart des gens de la classe moyenne préfèrent-ils passer les examens militaires, délaissés par l’aristocratie et qui n’exigent que les connaissances relatives à l’armée et une simple composition littéraire, ou les concours scientifiques spéciaux, qui permettent d’entrer soit à l’école des langues, d’où l’on sort interprète, drogman, etc., soit aux écoles de droit, des chartes, de médecine, de calcul, dit de l’Horloge, de dessin et de musique, qui ouvrent particulièrement des portes dans la Maison du roi. Donc on peut dire qu’en Corée l’instruction mène seule aux honneurs, et qu’elle est reconnue d’une telle nécessité par l’État qu’une loi formelle déclare que tout gentilhomme qui n’a pas lui-même, et dont l’aïeul et le père n’ont pas occupé de