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Chaumière coréenne. — Dessin de Gotorbe, d’après une photographie.


VOYAGE EN CORÉE,

PAR M. CHARLES VARAT[1],
EXPLORATEUR CHARGÉ DE MISSIONS ETHNOGRAPHIQUES PAR LE MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.
1888-1889. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


III

En marche. — Un mandarin de district. — Déjeuner. — Un combat. — Marche de nuit. — Expériences musicales. — Montagnes, rizières. — Divers usages, tigres, presque dynamité. — Plaines et travaux agricoles. — Arbres et grottes fétiches, etc. — Le King-ki-to. — En selle. — Lacs, jardins et salons coréens. — Une bataille. — Situation de la femme. — Ascension nocturne. — Précipices et torrents. — Tombes, sorcellerie et sorciers. — Le Tchyoung-tchyeng-to.


Au petit jour, réveil, toilette, une tasse de thé et en route ! Je quitte sans regret cette auberge, semblable à toutes celles que je retrouverai plus ou moins malpropres le long de ma route, et nous nous dirigeons vers Ko-kai. En expédition rien n’est plus agréable que le départ au lever de l’aurore, sourire charmant de la nature lorsqu’elle commence une belle journée. La caravane, à demi endormie, s’éveille peu à peu et chacun respire plus largement en aspirant les exquises senteurs que toute la flore dégage dans le gai rayonnement de ses couleurs, avivées par une abondante rosée. La fraîcheur matinale vous envahit doucement, on se sent comme rajeunir et devenir plus fort à mesure que le soleil monte à l’horizon, Nos montures, réconfortées par un déjeuner identique à leur souper de la veille, marchent allègrement, même le pauvre poney borgne, dont l’allure est devenue plus vive. Les chevaux ici trottent rarement et ne galopent jamais, étant toujours accompagnés par des hommes à pied. Notre caravane est des plus pittoresques avec ses cavaliers en costumes de lettré et de soldats coréens, de Chinois, de Français, ses palefreniers tout de blanc vêtus et ses chevaux de portage bizarrement chargés serpentant en un étrange monôme à travers les champs déserts, dépouillés de leur riche moisson.

Pour éviter les visites officielles, nous suivons le milieu d’une large vallée, et laissons au loin à droite et à gauche une suite de villages situés au pied des collines qui bornent gracieusement notre horizon de leurs pics multiples. Nous rencontrons, aux approches de Poang-toko-mori, le chef du district et son nombreux cortège en tournée administrative. Nos gens se rejoignent, s’arrêtent ; je descends de cheval, et le mandarin régional sort de son palanquin fermé : c’est un superbe vieillard dont l’air grave est singulièrement adouci par la blancheur de sa longue barbe qui descend en pointe sur sa poitrine. Après les salutations d’usage, nous pénétrons sans plus de cérémonie dans une mai-

  1. Suite. — Voyez p. 289 et 305.