Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/87

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Il faut, pour les juger, goûter aux bonnes choses,
Dieu ne fait pas fleurir le pommier pour ses roses
Et le cidre écumeux qu sort des tonneaux pleins
Fait tourner les meuniers et non pas les moulins.

Censeur grognon, beau fils, poète atrabilaire,
Est-ce que tu ne bois jamais que de l’eau claire ?
— Bonhomme, les plus grands prédicateurs, hélas !
Ne prêchent point d’exemple et je ne prétends pas
Qu’il faut boire de l’eau pour être un honnête homme ;
J’honore le raisin et je chéris la pomme,
Je comprends certains jours le déplorable attrait
Qu’a pour un pauvre diable un rouge cabaret,
Mais un chef de maison, un père de famille !
Es-tu sans feu ni lieu ? N’as-tu ni fils, ni fille,
Ni femme ? Va chez toi, dis-leur de décrocher
La broche et fais flamber les fagots du bûcher.
Aveins le chanteau brun qui moisit sur la planche
Et dort enseveli dans sa serviette blanche.
Sans craindresur ce point la prodigalité,
Étale tout ton luxe à toi, la propreté ;
Ton linge est un trésor, ta femme y met sa gloire,
Cest bon, mais est-il fait pour rester dans l’armoire ?
Non pas. Les tas anciens, trop peu souvent salis,
Jaunissent et parfois se coupent dans les plis.