Page:Le Vavasseur - Juvenilia, Lemerre, 1888.djvu/67

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Aujourd’hui, mon ami, parmi tous nos mécomptes,
Nos douleurs, nos ennuis, nos crimes et nos hontes,
Les autels de nos dieux sont encore debout.
La société tremble et la France est à bout ;
Demandez à Bornier, à Prudhomme, à Coppée,
Si la Rime n’est pas sauve comme l’épée.
Autran chante et sourit, Laprade chante et mord,
Soulary vous dira si le sonnet est mort.
Il n’est dieu ni héros, il n’est saint ni monarque
Àujourd’hui plus chômé que le divin Pétrarque ;
Hier, trente dévots au culte du sonnet,
— Trente cerveaux fêlés dans le même bonnet,
Jeunes et vieux, j’en suis, malgré ma barbe grise, —
Élevaient à leur saint une petite église,
Et Vaucluse en juillet a vu ses pèlerins :
Cent cinquante rimeurs, Ronsards contemporains,
Ont fondé le journal après l’Académie ;
Ce n’est pas le sonnet qui se meurt d’anémie,
Ce sent les impuissants qui font courir le bruit
Que la littérature est un jardin sans fruit.
On nous dit positifs, — mais fut-il au contraire
Époque plus fantasque et temps plus littéraire ?
Sa fortune ? on la joue à la Bourse, qui n’est
Qu’une variété du jeu de lansquenet ;
La politique amère est une frénésie,