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fortunez. Entreprise II.

Si elle ne veut pas qu’encores ie periſſe,
Uoudrois tu m’auancer contre ſa volonté ?
Elle peut tout ſur moy, il faut que i’obeiſſe,
Ses beaux yeux & le ciel, ainſi l’ont arreſté.
Quand meſme i’oſeroy ſans amitié la croire,
Que ie voudrois penſer ſes beaux yeux ſans douceur,
Je reſſens en l’aymant, en mon cœur tant de gloire,
Que l’aimer ſans eſpoir, encores c’eſt bonheur.
Hé ! qu’on trouue en aymāt que l’abſence eſt cruelle,
Il n’y a rien d’egal en peines & trauaux,
Ce qu’il y a de pire, eſt que le plus fidele.
Plus il a d’amitié, plus il en a de maux.
Royne de mes penſers, excuſez ie vous prie,
Ces troubles differens de mes tentations,
Uous ſerez conſtamment de moy touſiours ſeruie,
Tous ces faſcheux diſcours ne ſont qu’opinions.
Trop loin de vous ie ſuit, vne matiere vaine,
Sans honneur gemiſſant ſous la priuation,
Quand ie vous reuerray ma forme ſouueraine
Sera conſtituee en ſa perfection.
Ainſi que le ſoleil donne eſtre à l’aparence,
De tout ce que Nature eſcloſt deſſous les cieux,
Voſtre œil luyſant ſur moy par ſa bonne preſence,
Me fera ſubſiſter en effects glorieux.
Non, ie ne feray plus tant de place à la crainte,
Vous m’auez accepté, vostre ie demourray,
D’un ſi parfaict amour i’ay pour vous l’ame atteinte,
Que tout cōtraire effect vous ſeruant ie vaincray,
Ie ſeray braue autant que ie vous cognois belle,
A l’egal de vos feux ie viendray m’enflammer,
L’eſpoir & la grandeur de mon ame fidele


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