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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/152

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fortunez. Entreprise I.


eſprits en ceſte, comme iuſte fureur, delibera de preuenir les Fortunés, & punir ſa fille & en la cholere qui le penetroit, ſi la iuſtice dont il auoit touſiours fait eſtat, ne ſe fut preſentes deuant luy, tout d’vn coup il eut aſſouui ſon ire, mais il ſe reteint : craignant que par ſon tranſport il ne maculaſt ſa reputation tant celebre : La premiere douceur de ſon cœur, luy repreſentoit les grands ſeruices que les Fortunez luy auoyent faits, les ſignalez offices qu’il en auoit tiré. Et l’eſperance qui l’auoit fait viure en l’attente du bien propoſé, & qu’il ſe promettoit de receuoir d’eux au recouurement d’Etherine, luy poinçonnoit l’ame, pour ne croire point que ces beaux perſonnages tant ieunes, & galans, fuſſent coulpables de telle perfidie, l’amour vouloit adoucir l’ulcere que lui auoit fait ce deſplaiſant raport : mais tout ſoudain la grandeur du deuoir, & la ſageſſe acquiſe, qu’il faut conferuer, enleuoit de ſa fantaiſie toutes les penſees de beautez & d’amours, luy propoſant qu’il valloit mieux ſe reſoudre à oublier ſes ſu jets amoureux, que ſe laiſſer deſpoüiller d’vn Empire. Parquoy il ſe reſolut d’eſchapper, pour ne tomber par ſa faute entre les mains de ceux qui perdroyent ſa vie : il arreſta donques en ſoy-meſmes : ce qu’il auoit deliberé contre ſa fille & les Fortunez. Or par la couſtume du païs, il ne pouuoit faire mourir ſa fille, d’autant que la loy eſtoit, que ſi vne fille noble auoit failly, & qu’il y eut de l’accuſation, il falloit que ſes accuſateurs ſouſteimſlent à toutes armes leur dire, & ſe combatiſſent contre vingt, & ſi


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