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fortunez. Entreprise I.


qui ne faiſoit que battre I’air, que la Belle n’auoit prononcee que pour ſatisfaire à l’inutile demande du gentilhomme, alla auec vigueur de violence extreme, penetrer le cœur de Beleador, qui des ce moment eut l’ame en alarme, & bien que pluſieurs beaux deuis fuſſent exagerez, & que luy-meſme cachant ſon vlcere en auança de galans, ſi eſt-ce que ſon eſprit eſtoit incommodé, ſe troublant de trop de douleurs immoderees : ce qu’il ſentit mieux, quand il fut à part ſoy : auſſi ſ’en deſchargea-il, par cet aer qu’il fit ouir à Carinthee, auec ſa reſolution ſ’eſtant conſolé.

Vn autre donc ſeroit auoué de ma, Belle,
Emportant deuant moy l’honneur que ie pretēs ?
C’eſt abus de vouloir ſe demonſtrer fidelle
Puis qu’en ſeruant on perd le bō heur & le tēps.
Oublions tous nos feux, puis que les belles Dames
Font gloire d’accepter tout ce qui vient s’offrir ;
Il ne faut plus auoir au cœur de viues flames,
Pour des ſujets ingrats il ne faut plus ſouffrir.
Mais quelle humeur faſcheuſe emporte mō courage
Quel ſiniſtre deſſein m’incite à blaſphemer,
Belle pardonnez moy, i’aurois trop de dōmage
De penſer ſeulement à ne plus vous aymer.
Mettez tout ſur l’amour pere de ialouſie,
Qui ulcere les cœurs par l’ombre ſeulement,
L’ame qui eſt d’amour eſtroitement ſaiſie,
Penſe que tout s’oppoſe à ſon contentement.
Si ie n’auois pour vous l’ame d’amour atteinte,
Vos propos me ſeroyent d’effect indifferent,
Mais eſtant animé de paſſion non feinte,
Ce qui peut m’offenſer m’eſt touſiours apparent.