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Le uoyage des Princes

La vie dedans nous par les effets ſe monſtre.
Car l’ame inceſſamment agite à ſon ſujet,
Auſſi lors quel amour vn courage rencontre,
Sans ceſſer il le rend eſmeu pour ſon obiet.
Donques vous honorant vnique à ma penſee,
D’vn heureux mouuement mon cœur eſt agité,
Eſleuee en deſirs mon ame eſt eſlancee,
Par les pointes qu’amour fait de voſtre beauté.
Que ie ſuis ſatisfait d’auoir ce grand courage
Qui me rend le deuot de vos perfections,
Je tien ceſte auanture à ſi grand auantage,
Que ie ne fays eſtat d’autres occaſions.
Ainſi qu’à tous momens ma paſſion me preſſe
Des violens efforts de mon contentement,
Beniſſant le deſtin qui vous fit ma maiſtreſſe
Ie m’eſtime à bon droit heureux abſoluement.
Voila de quels diſcours ma vie ie conſole,
Attendant que l’effait vous demonſtre mō cœur,
Tout ce qu’ō dit Amour n’eſt que vēt & parole,
Au pris des partions de ma fidelle ardeur.

Beleador deuiſant auec Carinthee, des ſujets que l’amour fait naiſtre inopinémēt, voicy compaignie plus ample qui ſurueint, & chacun des preſens mit en auant ce qui luy pleut & puis à l’ordinaire, ſ’il y a quelque Belle qui eſclate en perfections, elle ſera le but où chacun ſ’addreſſera, tellement que tous les gentilshommes ſ’arreſtoyent à Carinthee pour louer ſes merites. Quelqu’vn aſſez auantageux luy prit la main, & donna ſur vne bague en deuiſe, & luy dit, Belle, eſt-ce voſtre ſeruiteur qui vous a fait preſent de cecy ? Ouy, dit-elle, il me l’a enuoyé en témoignage de ſa fidelité. Ceſte reſponſe