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fortunez. Entreprise I.

Laiſſez moy uous ſeruir ainſi que ie le doy.

Quand Carinthee fut de retour, Beleador ſe plaignit à elle encor ſur le meſme ſujet, & cōme elle luy remonſtroit qu’elle auoit affaire, & ne le vouloit pas incommoder, & l’aymoit mieux employer en fait de plus d’importance, il lui dit, ie veux ce qu’il vous plaiſt, car vous auez tout pouuoir ſur moy, mais vous ne m’auez peu empeſcher de vous attaquer par ceſte boutade dōt ie vous inquieteray pour me venger en declarāt le ſecret de voſtre belle magie, que comme Fee vous exercez.

Belle pardonnez moy de uous prendre à partie,
En uous repreſentant que uous m’anez fait tort,
Et uous reſſouuenez de ceſte departie
Dont le cōmandement me fut vn trait de mort.
Je ne couueray plus vne triſte penſee,
Ie vou diray mon mal puis que i’oſe parler,
Auſſi vou iugez bien que mon ame offencee
A quelque opinion qu’elle ne peut celler.
Pourquoy vouluſtes vous que ie m’en retournaſſe,
Sans vous accompagner à trauerſer le bois ?
Meſme en me demonſtrāt vne prompte diſgrace :
Dont vous me menaſſiez ſi ie n’obeiſſois ?
Je deſcouure les traits de vos beaux artifices,
Vous auiez en l’eſprit vn deſſein auancé,
Vous deuiez acheuer vn reſte de ſeruice
Aux deitez des bois ſur vn ſort commencé.
Et ne ſçay-ie pas bien que les ſauantes Fees
Suyuent dans les foreſts leurs deſſeins curieux,
Et que d’vn feu diuin dans le cœur eſchaufees
Uont dedans les ſecrets de l’abiſme & des cieux ?
Elles ne ueulent pas que l’on ait cognoiſſance.


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